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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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nues. Satisfait de sa prestation sans que rien n’y parût, Louis dit :
    — La cicatrisation n’a pas pu se faire proprement : c’était trop mal placé. Tu es prêt ?
    — Euh… je crois.
    — Tiens-la bien encore. Ne l’échappe surtout pas. Ça va être difficile : la chair autour s’était cicatrisée. En replaçant l’os, je vais être obligé de déchirer certains muscles et d’étirer des tendons.
    Le frère réprima un frisson.
    — Est-ce qu’elle aura mal ?
    — Oui, à son réveil. Mais je n’ai pas le choix. Maintiens-la solidement sous l’épaule.
    Louis entreprit de tirer progressivement mais fermement, jusqu’à ce que le bras de Bertine soit affreusement distendu. Du moins, ce fut ainsi que les choses parurent au paysan inquiet. Le bourreau vérifia que les os ne se frottaient pas l’un contre l’autre et qu’aucun ligament ne s’était rompu. Il aligna les aspérités de façon à ce qu’elles puissent s’emboîter parfaitement, ce qu’elles firent soudain presque d’elles-mêmes. Louis palpa avec soin un bras qui avait tout à coup repris son allure normale.
    — Voilà. Avec un peu de chance, elle pourra s’en resservir. Si je n’ai pas trop meurtri les chairs. Mais cela va enfler. Les attelles, maintenant.
    — Par tous les saints du ciel, j’ai cru un moment que vous étiez en train de l’achever.
    Louis posa les attelles et enveloppa le bras d’un pansement propre. Enfin, il tâta le pouls de Bertine en posant les doigts contre sa gorge et il lui ouvrit un œil, en même temps qu’il écoutait son souffle. Il fit un signe de tête affirmatif.
    — Tout va bien. Laisse-la-moi pendant quelques jours. Je devrai remplacer son pansement lorsque son bras se mettra à enfler. Et encore après.
    Il raccompagna le paysan à la porte. L’homme se retourna et dit :
    — Merci, maître. J’ai eu grand tort de douter de vous.
    Le frère de Bertine n’ignorait pas l’usage que Louis pouvait faire des morceaux de cuir brut qu’il avait vus dans sa pharmacie. Récupérés lors de l’équarrissage d’animaux morts, ils devenaient sa propriété et lui procuraient une matière première appréciable. Si ces retailles étaient utilisées pour la fabrication de bandages qui, en séchant, rétrécissaient et durcissaient de manière à former une gangue protectrice, elles pouvaient aussi servir à infliger un tourment dont les conséquences étaient irrémédiables : il s’agissait d’une variante des brodequins. On enveloppait les pieds de la personne que l’on mettait à la question {134} bien serrés dans ces peaux non traitées et on versait dessus de l’eau bouillante. Ce qui était déjà un supplice en soi allait en empirant dans les heures subséquentes tandis que le cuir se resserrait : ce n’était qu’une question d’heures avant que les pieds de la victime, privés de flot sanguin, soient rongés par la gangrène.
    Le paysan, comme tout le monde, savait de quoi cet homme était capable. Sa reconnaissance en était d’autant plus grande pour l’efficacité qu’il avait démontrée et le respect délicat qu’il avait témoigné à sa sœur.
    — Mais, vous savez… nous n’avons pas d’argent…
    — Je sais. Personne n’en a. Ne t’inquiète pas. Nous verrons cela plus tard.
    L’individu prit congé avec une certaine appréhension quant à la dette qui planait désormais sur le destin de sa sœur.

Chapitre X
    Rota Fortunae
    (Roue du destin {135} )
    Le cavalier repoussa d’une chiquenaude une petite plume blanche qui venait de se poser sur la manche de sa chaude cotte au col paré d’écureuil. Hormis sa tenue raffinée et la fine épée de Tolède dont il était ceint, l’homme ne portait sur lui aucune marque distinctive. Il nota distraitement qu’aucun détritus ne traînait plus dans cette impasse autrefois invivable. Cependant, elle était toujours hantée par des misérables et des coupe-jarrets. Un vieux mendiant oublié le regarda passer, assis dans son coin à l’entrée d’une venelle. Une grosse femme entourée par sa couvée de jeunes enfants vêtus de haillons fit de même depuis le seuil de sa masure. Lorsqu’ils se rendirent compte que cet individu d’un autre monde prenait la direction de la maison rouge, ils retournèrent à leurs occupations. Le cavalier s’arrêta effectivement devant la grille fermée.
    — Holà, Baillehache ! appela-t-il, certain de trouver l’exécuteur chez lui à cette heure où le

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