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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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n’était pas chose à prendre à la légère.
    — Le roi Charles a besoin de vos services. Il faut purger le royaume des usurpateurs en commençant par celui-là, dit le courrier après un moment de silence, comme s’il venait de lire dans les pensées du bourreau.
    — Je me soumets à sa volonté, dit Louis, enfin.
    — Fort bien. La voici donc : Charles d’Espagne doit périr.
    — Et c’est moi qu’on vient quérir pour cela ?
    — Vous avez été recommandé au roi par le gouverneur qui, comme je vous l’ai dit plus tôt, vous tient en haute estime.
    Au lieu de réagir favorablement à cette flatterie, l’exécuteur se mit à arpenter la pièce, tête basse et mains dans le dos, visiblement contrarié. Pourquoi fallait-il qu’on vienne le mêler à cette affaire sordide ? Il ne doutait aucunement qu’une fois ce meurtre politique commis, les gens de France finiraient par apprendre l’identité du meurtrier et ne tarderaient pas à mettre sa tête à prix, même s’il n’aurait fait que se soumettre aux ordres d’un autre dans toute l’affaire. Et, une tête de bourreau, cela pouvait tomber pour pas cher. S’il perdait la vie dans l’aventure, le but qu’il s’était fixé en acceptant l’opprobre lié à sa profession était lui aussi perdu.
    Le colosse alla se planter un instant devant l’âtre et en ratissa pensivement les braises avec le tisonnier. Il dit, comme pour lui-même :
    — Je conçois que l’on ait recours à moi pour ce genre de besogne. Il me faut torturer sur demande, souvent sans même savoir de quoi ceux qui me sont confiés sont soupçonnés. La plupart du temps, j’entreprends la procédure sans même connaître le nom des victimes. Cela fait partie du métier et j’en ai toujours accepté les obligations sans discuter. Sans même y penser. Cela vaut mieux. Il y aurait sinon quantité de commandements auxquels je serais incapable d’obéir.
    Louis tourna le dos au feu au-dessus duquel une petite marmite était suspendue. Il se pinça l’arête du nez entre le pouce et l’index. Posant enfin les yeux sur son hôte, il dit encore :
    — Mais vous ferez savoir au gouverneur que je ne suis pas un assassin.
    — Baillehache, vous m’avez mal compris, je crois. Il ne s’agit pas de simplement occire La Cerda. Notre but est de déstabiliser le Valois et de venger notre roi si injustement spolié. Cela ne vaut-il pas un petit effort de votre part ? Et ce n’est pas tout…
    Le courrier s’efforça de regarder Louis droit dans les yeux et reprit :
    — Nous avons besoin de quelqu’un qui sait bien s’y prendre. Vous n’ignorez sûrement pas que La Cerda est sodomite ?
    — Je l’ai ouï dire.
    — Et cela euh… ne vous incommode point ?
    Louis haussa les épaules.
    — Devrais-je en être incommodé ? Non, cela m’indiffère.
    Tout le monde affirmait pourtant au château que ce bourreau célibataire n’allait pas chez les ribaudes. Nul ne l’avait jamais vu fleureter avec quiconque. Ni femme ni homme, pour dire vrai. L’émissaire enchaîna :
    — Ah… mais qu’importe. Comprenez-moi bien. Charles d’Espagne ne doit pas seulement être occis ; le désir de notre roi est qu’il succombe à d’atroces tourments. C’est à vous qu’il revient de trouver quelque chose… d’approprié.
    — Le supplice d’Édouard d’Angleterre {139} , dit Louis comme s’il s’agissait d’une formalité quelconque.
    Le regard fixe, polaire de ce maraud était décidément pénible à supporter. Le messager n’avait qu’une hâte, celle de partir avec sa réponse.
    — Voilà qui est dégoûtant, bourrel. Non. Ces Anglesches sont des barbares. Restons dans les limites de la décence.
    — Qu’importe. Je refuse.
    Le courrier soupira. Arriver à fléchir ce fonctionnaire allait s’avérer plus difficile que le gouverneur ne l’avait estimé. Le gaillard s’obstinait comme un gros bœuf de labour dont il possédait sans doute aussi l’intelligence. Comment arriver à lui faire saisir la portée qu’allait avoir sa seule participation à de subtils jeux de pouvoir ? Peut-être fallait-il employer avec lui un langage plus direct :
    — Vous désobéissez donc à un ordre du gouverneur ?
    — Seulement à celui-ci.
    — Il ne s’agit pourtant que de faire mourir un homme. C’est là votre office.
    — La Cerda n’a commis aucun crime.
    — Comment en avez-vous la certitude ?
    Louis détourna le regard.
    — Nul tribunal ne

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