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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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lorsque sa large épée s’enfonça à un quart de pouce du cou de Charles, qui s’était adossé en tremblant à la porte maltraitée. Des éclats de rire s’égrenèrent de l’autre côté, car les gens de Philippe avaient vu le bout de la lame sortir à travers le bois. Quelqu’un rota et dit :
    — Il en met, du temps, votre homme de main. L’a peut-être pas plus de prunes entre les cuisses que l’Épagneul.
    La Cerda dit, d’une voix qui se voulait aimable :
    — Ami, je t’en prie… Accorde-moi la faveur de te parler.
    — Il n’y a rien à dire. Je dois vous tuer.
    — Non ! Attends… Attends !
    La Cerda battit en retraite au fond de la chambre. Il grimpa sur son lit et roula dessus pour atteindre l’autre côté, où il se cogna contre la table de nuit. Louis l’y rejoignit en faisant calmement le tour. Charles se retrouva coincé. Alors seulement il consentit à lancer à son tourmenteur tout ce qui lui tombait sous la main : après la dague qui siffla dans les cheveux du géant vinrent un petit bougeoir de bronze sur lequel adhérait encore un bout de chandelle éteinte, un coffret d’émail champlevé, un gobelet d’étain vide et un gros médaillon en or avec sa chaîne, que le connétable avait oublié de remettre. Louis ralentit légèrement sous cette pluie de projectiles qui ne dura guère. Deux des objets l’atteignirent à la poitrine, et il reçut le gobelet en plein front. Il chancela. Charles en profita pour tenter de plonger entre les jambes de son assaillant, mais ce dernier l’y coinça. Son arme s’abattit et sectionna le tendon du pied gauche, entamant partiellement celui de droite. Un hurlement fusa, suivi d’applaudissements et de sifflements qui n’étaient pas sans évoquer une exécution publique. Louis libéra Charles et le repoussa d’un coup de pied à l’estomac. Son dos heurta la table de nuit. Le connétable cessa de bouger. Impuissant, il se mit à sangloter en se berçant. Ses doigts erraient sur sa cheville gauche qui saignait abondamment. Il demanda :
    — Que t’ai-je donc fait pour mériter ta rancœur ?
    — Rien. J’obéis aux ordres.
    — Ceux du Navarrais… El Malo ne peut qu’avoir des gens à sa semblance… Tu es un démon !
    Louis glissa son épée sous l’une des aisselles de l’homme et le souleva brutalement. Avant même que son cri de douleur ne soit apaisé, il relâcha le malheureux et lui épingla une main au plancher en laissant simplement tomber dessus le picot de sa lourde lame.
    — Grâce ! grâce ! cria le supplicié.
    L’homme en noir abaissa sur lui le regard intense et hypnotique d’un prédateur. Charles dit, en gémissant :
    — Quoi que j’aie pu faire, ne m’en veuille pas de t’avoir outré…
    — Je ne suis pas outré, dit Louis, qui songea : « Mais c’est mon père qui devrait être à ta place. »
    Il lui était insupportable de songer qu’en ce moment même, ce pauvre bougre devait mourir tandis que Firmin se prélassait peut-être à la taverne, qu’il était libre, après lui avoir causé tant de souffrance et entièrement altéré le cours de sa vie.
    — Alors, au nom du Christ, épargne-moi ! supplia Charles.
    Le petit homme levait vers lui ce regard désespéré de ceux qui n’ont plus rien à perdre. Cet effrayant roturier avait-il seulement conscience qu’en cet instant où il tenait à sa merci le connétable du royaume, il tentait de se faire presque l’égal du roi ? Il allait bientôt payer de sa vie une pareille présomption. Mais, en attendant ce moment béni, La Cerda devait ménager sa susceptibilité.
    — Si tu m’épargnes, je saurai faire de toi un homme riche et puissant.
    — À d’autres. Le Trésor est vide.
    — Non, il ne l’est pas. Toutes ces nouvelles tailles et gabelles nous prouvent que le peuple peut encore le remplir.
    C’était chose à ne pas dire, même à quelqu’un qui ne pâtissait guère de ces exactions. Louis, en tant que bourreau, était exempt de taxes et pouvait prendre le bac gratuitement. Il n’était pas non plus tenu d’héberger des gens de guerre. Les obligations de guet lui étaient aussi épargnées. Mais les gens du commun, eux, devaient défrayer les coûts des extravagances royales qui faisaient déjà figure de légendes : fontaines de vin, bijoux et somptueux habits d’apparat, châteaux opulents et autres caprices ruineux dont les manants subissaient les contrecoups.
    Le tortionnaire vêtu de coutil noir

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