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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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jour déclinait.
    Il ne se trompait pas : la porte de la maison s’ouvrit sur le géant vêtu d’un habit noir propre. Louis sortit pour déverrouiller la grille à ce visiteur à l’air important. Habituellement, les messages du bayle ou les arrêts de la cour de justice dont on ne faisait faute de lui donner lecture lui étaient délivrés par quelque garde du château.
    — Je suis porteur d’un message confidentiel de la part du gouverneur, annonça le courrier.
    L’homme tira de sa sacoche un pli scellé qu’il montra au bourreau avant de le jeter à terre aux pieds de ce dernier. L’ostracisme à l’encontre des exécuteurs était tel qu’on se refusait à leur remettre leur correspondance dans la main. Louis s’était habitué à ce mépris. Il se pencha sans dire un mot pour ramasser la lettre. Il la retourna et reconnut en effet le sceau de Fricamp. Il décacheta le pli, mais ne l’ouvrit pas.
    — Que faites-vous donc ? demanda le messager. Louis lui tendit le pli et répondit :
    — Je ne sais pas lire.
    Il faisait toujours rédiger ses mémoires de frais par l’écrivain public. Il regrettait parfois de ne pas avoir profité de l’occasion qui lui avait été offerte à l’abbaye.
    L’homme le regarda d’un air condescendant, mais ne reprit pas la lettre.
    — Ah bon. Je me vois donc dans l’obligation d’entrer chez vous. Au risque de me répéter, il s’agit d’un message confidentiel.
    Louis acquiesça et dégagea le passage. L’émissaire descendit de cheval et suivit son hôte dans la cour arrière. Il conduisit sa bête près de l’écurie où il l’attacha.
    — Par Dieu, vous voilà plutôt bien pourvu, pour un bourrel. Baillehache ne dit rien. Le courrier le précéda dans la maison et en fit le tour avec un sans-gêne qui aurait insulté n’importe qui. Mais Louis le laissa faire.
    — Eh bien, eh bien, pas mal du tout. Pour quelqu’un de votre espèce, je m’étais plutôt attendu à un bouge. On me dit que vous êtes célibataire et que vous n’avez engagé ni domestique ni valet comme c’est pourtant votre droit. Vous vous occupez donc de tout vous-même ? C’est admirable. Vraiment. Vous savez que le gouverneur ne tarit pas d’éloges à votre sujet ?
    — Non, je ne le savais pas.
    — Je parle, bien entendu, de votre rigoureuse politique d’assainissement de la ville, s’empressa de spécifier l’émissaire, afin que ses propos ne prêtent pas à confusion quant aux autres talents de Louis.
    Il reprit :
    — Enfin. C’est sans importance. Voici la raison de ma venue : le gouverneur a besoin de vos services pour mener à bien une tâche un peu différente de celles dont vous avez l’habitude.
    — Je vous écoute.
    Le courrier eut un sourire narquois.
    — Il s’agit de rendre une petite visite de courtoisie à un certain La Cerda {136} .
    — Charles d’Espagne ?
    — Comment, vous le connaissez ? demanda le messager en faisant mine d’être surpris.
    — Seulement de nom. C’est le connétable de France.
    — Tout juste. Et le favori du Valois. Cet usurpateur infâme, qui se dit roi de France, a encore une fois lésé notre bon roi de Navarre, Charles d’Évreux, en offrant à son amant le comté d’Angoulême qui lui revenait de droit {137} , tout comme d’ailleurs la couronne de France.
    « Des intrigues de gentilshommes », se dit Louis qui, comme la grande majorité des roturiers, ne se souciait guère de tous ces complots obscurs qui se tramaient dans les demeures royales. Seuls les commérages salés intéressaient certains, et le bourreau de Caen n’était pas de ceux-là. Le peu qu’il savait de la vérité lui avait cependant permis de se forger une opinion à laquelle il tenait fermement. Il trouvait les revendications du roi de Navarre justifiées. Celui qu’on surnommait El Malo {138} n’était-il pas après tout un descendant direct de l’ancienne lignée des Capet, ce à quoi aucun Valois ne pouvait prétendre autrement que par une soi-disant loi salique soigneusement dépoussiérée pour les besoins de la cause ? En écartant officiellement les femmes de tout pouvoir royal grâce à une adaptation très subjective et opportuniste de cette loi, les Valois avaient piétiné les prétentions tout à fait légitimes de Charles.
    Ce jeune Charles allait-il se montrer digne de son illustre arrière-grand-père Philippe le Bel que Louis admirait beaucoup ? Quoi qu’il en fût, une sommation de ce genre

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