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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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presque de quoi me donner l’envie de m’enamourer, moi aussi, du connétable !
    — Si tel est le cas, monseigneur, vous n’avez qu’à songer qu’il vous a si ignominieusement accusé d’être un faux-monnayeur, il y a peu.
    — N’ayez crainte, messire. De toute façon, je préfère les voluptueuses rondeurs des femmes.
    Le chevalier retint une branche basse qui allait frapper le prince en plein visage. D’Évreux continua :
    — L’Épagneul va bientôt apprendre ce qu’il en coûte d’offenser un membre de la véritable maison royale de France. Dire que le gros Valois était arrivé à me persuader de ne pas faire jeter ce malebouche* au cachot. J’en éprouve grande vergogne.
    — Sans doute ignore-t-il tout de votre présence ici, en vos terres normandes.
    — Eh bien, il ne l’ignorera plus longtemps. Voyez dans la cour cette commère ceinte d’un tablier gris. C’est sûrement la femme de l’aubergiste. Allons-y.
    La matrone qu’il avait désignée disparut en hâte dans la maison.
    *
    Le regard las du connétable de France s’attardait autour de sa table de travail sur laquelle trois parchemins délaissés s’étaient enroulés sur eux-mêmes en attendant que l’on daigne s’occuper d’eux. Il n’avait goût à rien ce jour-là. Il préférait de loin se prélasser, nu, sous l’édredon douillet de son grand lit. Sans cesse, ses pensées erraient en direction du jeune page qui avait récemment été affecté à son service au Louvre. « Douze ans et le visage d’un angelot. Sans parler du reste qui doit être angélique d’égale manière », pensa-t-il avec mélancolie en se choisissant une dragée dans un bol de cristal en forme de cygne que l’on avait soigneusement emballé pour l’amener jusqu’en ce lieu morose.
    Une cavalcade déboula dans la cour comme un grondement de tonnerre importun qui venait déranger l’immobilité brumeuse du logis. Cela ne suffit pas à extraire Charles de son chaud refuge. Il ne fit que tourner la tête vers sa fenêtre. Ainsi, il ne put apercevoir les quelques cavaliers accompagnés d’hommes à pied dont certains encerclèrent l’auberge et les dépendances. Il devait s’agir d’une quelconque visite officielle. Il soupira et tira à lui, sans conviction, une luxueuse chemise. Des pas lourds résonnèrent dans l’escalier. Deux hommes, peut-être trois. Il se tourna vers la porte fermée. Sans savoir pourquoi, le connétable conçut de l’anxiété. Il entendit son garde discuter brièvement avec l’un des hommes, puis plus rien. Il enfonça nerveusement le dos dans ses carreaux en voyant le pêne de la porte se soulever à plusieurs reprises sans quitter la gâche, car il était bloqué par la barre.
    — Qui va là ? demanda-t-il, inquiet.
    Une voix donna un ordre bref, et une autre y répondit. Soudain l’épaisse lame d’une hache apparut à travers le bois de l’huis, projetant des éclisses qui allèrent se perdre sur le plancher parmi les herbes et les pétales séchés de la jonchée. De nouveaux coups se succédèrent en rafale, chacun faisant sursauter le connétable dont le visage devenait livide. Il jeta un regard de bête traquée en direction de la fenêtre et se mit en quête de sa dague sertie de pierreries. Il la retrouva au ceinturon ouvragé qu’il avait délaissé la veille près de sa table de nuit. Des corps massifs et des bottes achevèrent de défoncer la porte, et Philippe d’Évreux fit son entrée. Il était vêtu d’un somptueux pourpoint de velours dont les ourlets avaient été brodés d’un discret motif fleurdelisé.
    — Salutations, messire ! dit-il joyeusement en s’avançant pour tirer La Cerda du lit. Si j’avais su avant que vous logiez ici, croyez bien que je vous aurais invité chez moi.
    L’homme se hâta de revêtir sa chemise.
    — Je vous remercie, monseigneur… Mais je ne puis demeurer bien longtemps…
    — Je vous crois, dit le prince dont les prunelles scintillèrent d’un éclat mauvais devant le maniérisme exaspérant de son interlocuteur.
    La dentelle qui garnissait les manches de La Cerda donnait à penser qu’il avait envie de porter une robe. Ses cheveux ondulaient comme ceux d’une femme, et la peau de son visage avait dû être traitée le matin même à l’aide d’une pommade parfumée. Tout ce qui chez lui dénonçait une sexualité équivoque réveillait l’ire du prince ennemi. Le connétable se chaussa en hâte et demanda, avec une politesse

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