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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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qu’il se mit dans la bouche. Ainsi communiait-on, car, avant la bataille, le prêtre ne pouvait distribuer à tous du pain consacré. Cette même terre allait en ce jour s’abreuver de leur sang à eux.
    Sans savoir pourquoi, alors qu’autour de lui l’armée anglaise s’ébranlait en direction du bois de Nouaillé, laissant Savigny derrière elle, Louis pensa à sa mère. Il songea aussi à Bertrand, son frère par alliance, qui s’était fervêtu* pour affronter la peste qui l’avait rongé de l’intérieur. Lui, il aurait sûrement jalousé Louis de se trouver là, et Louis lui aurait volontiers cédé sa place.
    Posséder une bonne paire de bottes ou de heuses était, après un bon repas bien arrosé, la seconde priorité de tout fantassin. La plupart des frères d’armes de Louis allaient presque nu-pieds en cette aube à peine naissante. Ses jambes à lui étaient gainées de bon cuir étanche jusqu’aux mollets.
    L’armée louvoyait à travers le bois de Nouaillé comme une monstrueuse créature à écailles. Les précieux archers gallois ainsi que les hommes d’armes bien équipés allaient en tête, peu soucieux des haies inextricables, des mares à l’eau caillée, des buissons et des vignes qui ralentissaient la marche des autres.
    Matthieu de Gournay persiflait :
    — À part leurs chevaliers qui se pavanent comme au tournoi pour l’amour de leur belle, ils sont vingt mille ribauds tout aussi fatigués et pouilleux que nous. Et ils n’obéissent qu’à leurs tripes, et point aux ordres.
    L’immense ost français les attendait près de Beauvoir. Il s’était réparti en quatre bataillons.
    — Ils sont tous là, même le Valois et sa progéniture, dit quelqu’un. Mais où sont passés leurs chevaliers ?
    La nouvelle avait circulé que Jean semblait s’être ravisé à propos des techniques de guerre traditionnelles.
    Chandos voulut vérifier la véracité de cette rumeur.
    — On va bien voir ce qu’ils cachent derrière leur superbe. Faites-moi passer une troupe à ce gué. Au pas de course.
    L’ordre circula, et tôt après les Français virent un important groupe d’Anglais traverser le Miosson, au gué dit de l’Orme.
    — Que diable font-ils ? demanda l’un des chefs français à un pair. Croyez-vous qu’ils fuient ?
    — Je n’en sais rien, mais méfions-nous. C’est peut-être une ruse.
    Que cela en fût une ou non, cette manœuvre eut le résultat escompté : des chevaliers français mordirent à l’appât. Attirés par ce groupe isolé, ils se séparèrent de leur propre initiative de l’ost et s’engagèrent parmi les haies sans se rendre compte qu’ils étaient devenus des proies faciles. En un rien de temps, un maréchal fut fait prisonnier et un second fut tué.
    — Nous avons notre réponse, dit Chandos. Replions-nous sur la colline. Ils ne tarderont pas à tenter de nous déloger. Je connais bien leurs tactiques irréfléchies.
    Le coteau de Maupertuis, près de Poitiers, portait bien son nom qui signifiait mauvaise porte. C’était une colline roide, plantée de vignes bordées de haies et de buissons d’épines. Et, en ce 19 septembre, le haut de la pente était hérissé d’archers anglais.
    Un conseiller dit au roi de France :
    — Nous n’avons nul besoin d’attaquer, sire. Il suffit de les tenir là. Dans deux jours, la faim et surtout la soif les aura rendus aussi dociles que les agneaux de leur île maudite.
    — Allons, mon bon ami, n’est-il pas plus chevaleresque et digne de nous de contraindre l’ennemi par le fer plutôt que par les crampes d’estomac ?
    Il n’y avait qu’un étroit sentier pour monter aux Anglais. Jean y expédia des cavaliers. À peine lancée, leur charge se démantela à cause des nombreux trous d’un pied de diamètre, invisibles de loin, dont on avait pris soin de truffer toute la pente. Ceux qui parvinrent jusqu’en haut s’embrochèrent sur une forêt de piques acérées qui avaient été soigneusement camouflées et que des fantassins soulevèrent au tout dernier instant.
    — Archers, commanda Chandos.
    Louis regarda ces derniers s’avancer, telle une muraille humaine, avec une admirable discipline. « Dire que je pourrais être parmi eux, même si je n’ai qu’un arc ordinaire », se dit-il. Équipés de leur longbow, ils visèrent le ciel dans un ensemble parfait.
    — Allez. Massacrez à outrance. Dans le ciel, Dieu triera le bon grain de l’ivraie, dit Chandos.
    Il tourna la

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