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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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tête en direction d’un de ses subalternes :
    — Nous Lui avons grandement facilité les choses. Je ne vois là que de l’ivraie.
    Très calmement, avec une efficacité trempée par l’expérience, il se mit à ordonner, à une cadence très rapide :
    —  Loose {158}   !
    Les archers se mirent à accabler les assaillants presque immobilisés d’une pluie de traits vrombissants qui noircirent le ciel, criblèrent les chevaux, les effarouchèrent et les jetèrent l’un sur l’autre. Certains chevaliers décidèrent de leur propre initiative de se retirer sans demander leur reste avant que toute retraite ne devînt impossible dans cette débandade. Ils n’avaient d’ordres à suivre que les leurs et on ne pouvait choisir de meilleur moment, l’instinct de fuite aidant, pour faire connaître son mécontentement au roi {159} .
    L’ost français n’était qu’un immense chaos impossible à discipliner. Ses deux corps de bataille ne s’entendaient plus. Chandos fit diriger le tir de ses archers contre le gigantesque bouillonnement humain qui tentait vainement de s’organiser pour former un mur compact. Des ordres contradictoires fusaient, des mercenaires découragés commençaient à reculer, et plusieurs fantassins furent piétinés par les chevaliers qui n’avaient pas participé à la malencontreuse charge initiale. La foule était si compacte et désordonnée qu’en dépit des boucliers presque toutes les flèches anglaises faisaient mouche.
    —  Charge   ! cria soudain Chandos.
    Les Anglais déferlèrent dans le champ Alexandre qui surplombait le Miosson et le marais de Villeneuve, prenant par surprise la grande armée qui s’y débattait en vain contre son hypertrophie. Les bataillons anglais étaient serrés, impénétrables, extrêmement mobiles. En contrepartie, par ostentation, certains Français s’étaient avisés de porter à pied de lourdes cuirasses de cavaliers. S’ils étaient indéniablement bien protégés, ils pouvaient cependant à peine bouger.
    Le début d’un corps à corps entre des milliers d’hommes est difficile à imaginer. Il produit une affreuse suite de claquements où se mêlent bruits de ferraille et hurlements. La terre gronde sous les pieds. Ce premier choc déclenche une rumeur assourdissante qui à elle seule annihile toute pensée structurée. Les issues qui restent sont simples, aussi bien que tragiques : tuer ou être tué.
    L’idéal des deux Édouard était plus réaliste que celui de Jean : ils eurent tôt fait de renoncer à leurs splendides destriers et aux lances pour se mêler, sans vergogne et coutelas au poing, à la piétaille d’Angleterre. L’admiration de ceux des leurs qui les virent combattre à leurs côtés s’en accrut.
    Galvanisé, Louis ne se rendit pas compte qu’il s’était mis à brandir son lourd damas d’une seule main. On aurait dit qu’il ne se trouvait pas réellement là. Il avait l’impression d’être le spectateur de quelque horrible jeu apocalyptique et qu’un automate agissait à sa place. Un homme se tordait à ses pieds, frappé à mort. Il y en eut un second. C’était un arbalétrier qui devait s’être trouvé là par erreur. Le géant mit quelques secondes avant de réaliser que c’était lui qui les avait frappés.
    Il se retourna à temps : un noble moustachu s’apprêtait à lui planter son poignard dans le dos. Louis tournoya, para et repoussa l’assaillant de sa targe avec une rapidité diabolique. Pétrifié, l’homme cligna des yeux et sembla alors seulement apercevoir le géant. Il entrevit un visage de pierre serti de deux prunelles qui le transperçaient comme si, pour lui, il n’existait déjà plus, et il regarda sans y croire l’épaisse lame qui s’élevait avec une lenteur presque solennelle.
    — Non, dit-il dans un souffle.
    Il prit peur une fraction de seconde trop tard. L’épée de bourreau fendit l’air en diagonale et le frappa à l’épaule, creusant un sillon sanglant à travers la poitrine et descendant jusqu’au flanc. L’homme vacilla sans comprendre ce qui lui arrivait. Il baissa les yeux sur ses viscères qui se répandaient le long de ses jambes et s’écroula.
    Plus rien n’existait autour. Il fallait oublier les cris et les étincelles des lames qui s’entrechoquaient. Ne pas trébucher sur les corps ni glisser dans le sang et les entrailles qui transformaient le sol en un bourbier hideux. Il fallait rester debout et se battre. Parer et frapper.

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