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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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à base d’huile d’olive et de lard dont il gardait toujours une réserve sur lui {153} .
    — N’oublie pas d’y mettre un bandage propre.
    Puis, à celui qui lui avait posé la question, il répondit :
    — Je suis ici pour la même raison que tout le monde. Pour donner la mort ou pour la recevoir.
    — C’est bien dit, mais ça me fiche le moral à plat, dit l’un des hommes.
    — À moi aussi, mais quoi, c’est vrai, on y pense, dit un autre.
    — Allez, compères, dit un vieil Anglais dans un très mauvais français. Haut les cœurs ! Par saint Georges, buvons un coup !
    Il fit circuler à la ronde une outre d’hydromel qu’il avait dénichée dans une ferme pillée le jour même.
    — Et toi, Baillehache ? Tu n’as pas un peu la trouille ?
    Le bourreau but à l’outre et la tendit à son voisin. Les flammes faisaient à Louis des yeux d’or et de sang.
    — Non.
    — Et il dit vrai, ce petit. Faut pas avoir peur, sinon c’est la mort assurée, dit à nouveau le vieux guerrier qui s’appelait Matthieu de Gournay {154} .
    — Moi, la mort m’a déjà, dit Louis. Et c’est par la mort que je réponds {155} .
    *
    Assis dans son faudesteuil* ouvragé, Jean le Bon pérorait. Ses quatre fils campaient avec lui, et autour de sa grande tente à l’oriflamme déployée étaient plantées celles de vingt-six ducs ou comtes et de cent quarante seigneurs bannerets, tous avec leurs bannières. Cet étalage de fierté occultait pour lui l’esprit de sédition qui semblait flotter au-dessus de certaines têtes dirigeantes. Le fils de Philippe de Valois était décidément le roi des gentilshommes.
    Il leva la main et montra à ses auditeurs le jonc qu’il portait au médius.
    — Quand on possède ceci, on est le maître du monde !
    — Serait-ce un talisman ? demanda le nouveau connétable.
    — Ceci, très cher conseiller, est bien davantage qu’un talisman ; c’est l’anneau que portait Charlemagne à sa dextre. Il représente toute la puissance sacrée de nos pères. J’en sens aussi toute la noble hardiesse circuler dans mes veines. Par ma foi, nous vaincrons !
    — Que Dieu me pardonne, mais je compte davantage sur la hardiesse de nos hommes que sur les reliques de nos aïeux, dit Philippe, le plus jeune de ses fils.
    — Mais moi aussi, moi aussi. Ne te méprends pas sur le sens de mes paroles. Nous sommes une véritable cité en marche. Une cité avec sa muraille de boucliers hérissée de pointes. Et eux, que sont-ils ? Huit mille bergers.
    — … parmi lesquels il y a des archers, rappela Philippe.
    — Qu’importe. Ce ne sont que petaus* à demi sauvages qui seront broyés contre nos armures comme des cancrelats. Nous leur courrons sus et les piétinerons sous les sabots de nos destriers*, eux et leurs méthodes déloyales. Ils trépasseront jusqu’au dernier par le fer de nos lances, tel Lucifer sous le glaive de messire saint Michel.
    Dehors, les hommes l’acclamèrent.
    — Et moi, le premier, poursuivit le roi, je me lancerai sans peur dans la bataille comme le fit jadis l’admirable roi de Bohême {156} . Mais moi, mes amis, je ne suis pas aveugle. J’embrocherai quiconque daignera porter la main sur moi, et vous tous, par le sel de mon baptême, vous m’imiterez. Soyez forts et preux comme Jean de Bohême, mais, contrairement à lui, ayez l’œil ouvert. Vous êtes de vrais chevaliers. Mon ost n’est rien sans vous. Nous nous battrons sans reculer d’un seul pas et nous balaierons le royaume de toute cette racaille bigarrée dont la lignée vaut celle des chiens qui traînent dans les rues. Après le combat, j’ai l’intention de fonder un ordre pour ceux dont la bravoure méritera récompense {157} .
    Les acclamations reprirent de plus belle. Ils y croyaient. Ils étaient cinquante mille, et parmi eux se trouvait la fine fleur de la chevalerie française.
    *
    Des bidaus* mirent le genou en terre et se recueillirent en baissant la tête. Pendant la messe, plusieurs hommes procédaient discrètement aux derniers ajustements de leur harnois. Le voisin de Louis avait du mal à fixer l’une de ses aiguillettes*, tandis qu’un autre vérifiait une dernière fois les énarmes* de son bouclier. Lui-même prit la corde de son arc qu’il avait enroulée sous son chapel* afin de la protéger de l’humidité ; il l’assujettit à son arme qu’il avait tenu à emporter.
    Lorsqu’ils se remirent debout, chacun avait dans la main une poignée de terre

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