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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Faire tomber celui qu’on avait devant soi et être prêt pour l’autre qui venait prendre sa place.
    Coincé entre le cadavre d’un destrier portant encore sa housse verte, car certains chevaliers français n’avaient pu résister à la tentation, et un homme en harnois blanc* cuirassé de la tête aux pieds, le colosse parait coup sur coup. Alors que ce matin même il avait été reconnaissant à la relative légèreté de son harnois de lui permettre une plus grande mobilité, il s’aperçut vite que cela ne lui était d’aucune utilité dans cette bousculade désespérée où amis et ennemis devenaient peu à peu impossibles à différencier.
    D’un coup de son épée rougie, Louis fit voler le cimier prétentieux qui ornait le heaume de son nouvel assaillant fervêtu. Le combattant bondit en arrière, et le colletin visé demeura intact. Cet homme voyait trop bien malgré sa ventaille close pour ne pas avoir vu venir ce genre de coup. Il paraissait aussi très habile, en dépit du poids supplémentaire qu’il avait à porter. C’était un guerrier expérimenté, celui-là. Cela se sentait. Et un homme de cette trempe savait dès les premières secondes à qui il avait affaire. Il avait certes deviné la naïveté de son opposant dans les combats singuliers et il n’était pas sans remarquer que Louis se battait comme un forcené sans prendre le temps de réfléchir. Il laissa l’homme en noir se fatiguer à lui porter des coups inutiles. Tant mieux si, entre-temps, un frère d’armes se présentait pour lui prêter main-forte.
    Louis comprit très vite ce manège et, en quelque sorte, il revint à lui. Il s’était mis à serrer la prise de son épée à deux mains, comme il le faisait normalement, de sorte que sa targe ne le protégeait plus. Il chercha à atteindre la cervelière* et un autre défaut de la lourde cuirasse situé au niveau de l’aisselle. Mais l’homme esquiva de nouveau et lui entailla profondément la cuisse. Louis hurla. Ce n’était pas en soi une blessure mortelle, mais il devina tout de suite que le danger résidait dans l’abondant saignement qu’elle allait provoquer. Il allait graduellement s’affaiblir et tout serait perdu. Il n’y avait plus qu’une solution : en finir au plus vite avec cette boucherie insensée pendant qu’il lui restait encore assez de vigueur.
    L’idée lui vint si vite qu’il ne prit même pas le temps d’y réfléchir : il tomba à la renverse, sur le corps du cheval, et perdit son chapel* de fer. Avec un rire dément, son adversaire leva haut son arme et s’apprêta à lui fendre le crâne. Au moment où l’épée s’abattait, Louis se rassit brusquement et frappa la visière close d’un puissant coup de taille qui l’enfonça partiellement et fit dévier la lame du guerrier. Louis se courba en deux, frappé au flanc, privé de tout souffle. Il parvint à se redresser suffisamment pour voir son redoutable adversaire, aveuglé et à demi assommé, se mettre à tituber. Du sang dégoutta par les interstices de la ventaille. D’un bond, Louis se remit sur pied et le fit trébucher. Il ouvrit la ventaille gauchie à l’aide de la pointe de sa lame qu’il plongea dans la bouche qui béait sur un souffle rauque, entourée d’une bouillie rougeâtre.
    Hors d’haleine, le visage souillé de sueur poisseuse, il porta la main à son côté, sous sa broigne imbibée : ses doigts en ressortirent rouges de sang.
    « Oh non. Non. C’est trop tôt. Que je ne meure pas tout de suite. Pas ici. »
    Comme par défi, la face adipeuse de Firmin lui revint vivement en mémoire, avec son sourire en coin qui était chez lui présage de châtiment.
    « Il me faut le retrouver d’abord. Le revoir une fois, juste une fois. C’est tout ce que je demande. Après, je pourrai mourir. »
    Ce n’était pas vraiment une prière. Mieux valait ne pas invoquer Dieu pour une requête comme celle-là.
    Un brave garçon qui n’avait pas seize ans lui courait sus, heureux sans doute de s’être déniché l’un de ces grands Anglais, délaissé et rendu vulnérable par ses blessures. Louis plaqua sa targe contre son ventre. « Si au moins je pouvais me tenir droit ! » Il fonça et embrocha le jeunot de son épée brandie d’une seule main.
    — Maman ! cria le malheureux, avant de s’effondrer aux pieds du géant.
    D’une secousse, Louis ressortit sa lame du corps inerte et regarda tristement le garçon dont le visage encore glabre exprimait un

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