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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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étonnement douloureux, trahi. Sans savoir pourquoi, il s’accroupit pour lui fermer les yeux.
    Le sol se déroba sous lui. Il eut le temps, avant de choir mollement sur un monceau de cadavres ennemis, de se rendre compte que les affrontements étaient plus clairsemés et avaient tendance à dériver un peu vers la gauche. L’un d’eux se mit à remuer et à gémir sous lui. Près de là, un Gascon faisait tournoyer son fléau contre ceux qui tentaient de l’approcher.
    — Venez ! Mais venez donc que je vous décervelle, sandis* ! hurlait-il.
    Louis s’accorda quelques précieuses minutes de répit. Des jambes gainées de fer ou des godillots souillés le heurtaient, et parfois tentaient de le repousser. Il se laissa faire, se contraignant à cette immobilité salvatrice tout en essayant de trouver un moyen d’échapper au carnage sans avoir l’air d’un déserteur. Du sang chaud lui éclaboussa le visage. Quelque chose lui tomba au creux des mollets. C’était un bras sectionné. Il ne bougea pas.
    Un chevalier isolé de son petit groupe piétina des corps en une charge plus ou moins efficace qui lui permit cependant de transpercer un Anglais. Louis entendit la lance se briser contre le bouclier au moment où le destrier s’immobilisait presque au-dessus de lui. Le chevalier avait dégainé son épée et laissait sa monture couverte d’une protection en cuir bouilli et d’une housse verte déchirée effectuer ses propres mouvements d’attaque pour lesquels elle avait subi un entraînement rigoureux : le grand cheval se déplaçait continuellement, tournant sur lui-même pour se prémunir des coupe-jarrets sournois.
    Louis roula hors de portée des sabots. Tout occupé à éloigner les assaillants qui tentaient de le cerner, le cavalier ne remarqua le blessé en noir qu’au moment où l’épaisse lame du damas pénétrait dans son aine. L’homme s’affaissa et Louis n’eut plus qu’à le tirer en bas. Il essuya en hâte son épée avec le surcot vert du chevalier avant de la remettre au fourreau.
    Sans trop y croire, Louis planta le bout de son pied dans l’étrier et se hissa avec peine sur le destrier. Il n’était jamais monté à cheval auparavant et il ne savait trop comment s’y prendre. Il se glissa sur la selle à haut troussequin et jeta un coup d’œil inquiet au sol. Son pied gauche trouva l’autre étrier. Il se cramponna à l’encolure du destrier noir qui continuait à piétiner. Le bourreau se demanda si la bête avait remarqué que c’était lui qui avait tué son maître. Elle s’ébroua à ce contact inconnu. Louis n’était certes pas plus lourd qu’un chevalier en armure, mais son maintien rigide et mal assuré le rendait sans doute tout aussi fatigant à porter. Sa propre nervosité se transmit au cheval. Pourtant, le destrier sembla accepter l’homme ; il ne chercha pas à le désarçonner.
    — Va. Vas-y, dit-il sans utiliser les rênes.
    Le cheval se mit à trotter droit devant, au hasard. D’instinct, Louis se baissa davantage et s’agrippa avec maladresse. Sa monture interpréta ce geste à sa façon et partit au galop. Louis hoqueta et, éberlué, regarda un paysage confus qui défilait dans un bruit de tonnerre.
    Un hennissement apeuré le rappela à la réalité, et le cheval fit un brusque écart avant de s’arrêter pour se dresser, manquant désarçonner son cavalier inexpérimenté. Des gens de France qui l’avaient remarqué s’interposaient afin de lui couper toute possibilité de retraite. Mais le grand cheval se mit à mordre et Louis n’eut d’autre choix que de prendre les rênes d’une main et de dégainer son damas de l’autre. Sa blessure au côté lui arracha un cri tandis qu’il frappait pour éloigner les vicieux crochets des guisarmes. Homme et cavalier parvinrent à faire une brèche dans cette piétaille désordonnée. D’un grand coup de son arme émoussée, Louis dut trancher une main gantée qui demeura accrochée aux guides pendant plusieurs secondes, tandis que sa galopade reprenait et que son épée était à nouveau rengainée. Il crut entendre la voix de compagnons qui l’avaient reconnu. Le voyant prendre la fuite sur un cheval ennemi, ils le couvraient d’injures.
    Louis ne s’éloigna pas beaucoup. En utilisant gauchement les rênes, il entreprit de contourner le vaste charnier où grouillaient des grappes denses de combattants. C’était le moment où la bataille s’éternisait en combats singuliers

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