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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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soit français ou anglais, gascon ou navarrais, une sorte d’esprit de coopération s’instaurait parmi les hommes. Si un ennemi était venu se présenter à eux pour demander du pain, chacun aurait ouvert sa besace et lui en aurait donné un peu. La vie civile, où la plupart des gens n’allaient pas risquer leur peau pour sauver celle des autres et où ils ne partageaient que rarement leur nourriture, était un autre monde, issu d’un lointain passé. Elle faisait partie d’une autre logique qui, désormais, leur était devenue incompréhensible. Les hommes d’armes faisaient partie d’un tout immense. C’était rassurant d’une étrange façon. Peut-être était-ce par besoin de renouer avec cette solidarité que l’homme faisait la guerre.
    Woodstock avait d’abord cru que l’armée ennemie était dix fois plus importante que la sienne {151} . Il comprenait l’urgence de rejoindre les troupes de son frère le plus rapidement possible. Malheureusement, lui seul semblait avoir réussi à se présenter au rendez-vous fixé.
    Le prince de Galles avait appris que le roi de France se trouvait plus au sud, dans la ville de Poitiers. Il avait pensé que le monarque français avait cherché à descendre vers les territoires anglais de la Guyenne. Il avait voulu faire en sorte de l’y rejoindre pour lui barrer la route.
    Un premier affrontement avait eu lieu la veille sur une ferme appelée La Chaboterie, à cinq kilomètres à l’ouest de Poitiers. L’assaut français avait été si violent que les Anglo-Gascons, surpris, avaient d’abord cédé du terrain ; mais, avides de rançons comme ils l’étaient, ils avaient vite fait en sorte de reprendre le dessus et ce, même s’ils étaient moins nombreux. Ils étaient partis aux trousses de l’ennemi avec une telle vigueur qu’Édouard avait dû ordonner un arrêt d’une nuit pour camper, le temps de rassembler ses forces, même s’ils étaient gênés par le manque d’eau. Ce jour-là était un dimanche, et un envoyé du pape avait demandé une trêve de Dieu qui, même si elle était inutile, n’en fut pas moins respectée. L’armée anglo-gasconne s’apprêta à passer la nuit dans des campements de fortune montés en hâte du côté de Savigny. Ainsi, l’armée occupa un terrain accidenté, près de Poitiers, qui allait être parfait pour la défense en plus d’être difficile à cerner. C’était une pente boisée bordée de vignobles, de haies et d’un ruisseau serpentant au milieu de marécages. Au-delà, un vaste champ était traversé par une route étroite.
    Le lendemain matin, 18 septembre, l’armée française était au rendez-vous. La bataille était inévitable. Les Anglais n’en apprécièrent que davantage leur position favorable.
    — Huit mille qu’on est, peut-être même dix, d’après ce qu’on m’a dit, annonça un vieux guerrier expérimenté dont le visage balafré prouvait qu’il avait vu la bataille de Crécy.
    Il vint s’asseoir près du feu misérable d’un groupe de mercenaires venus de Flandres. La fumée piquait les yeux et les faisait tous larmoyer. Certains toussaient.
    Cet homme avait à peu près raison : l’armée du prince de Galles, partie anglaise, partie gasconne, était forte de deux mille hommes d’armes, de quatre mille archers, et de deux mille brigands*, troupes légères qu’on louait dans le Midi. De son côté, Jean était à la tête de la grande cohue féodale du ban et de l’arrière-ban, qui faisait bien cinquante mille hommes.
    — Jean de Valois n’a de bon que le nom {152} . Il a la plus grande armée qu’on ait jamais vue, à ce qui paraît. Armés jusqu’aux dents et tous à cheval.
    — Moi, j’ai entendu dire que pas un n’est à cheval, cette fois. Par la mordiou, Baillehache, comment tu fais pour ne pas attraper la colique ? T’es bien le seul ici à ne pas péter.
    Pour toute réponse, Louis fouilla dans son carnier et lança à l’homme un petit objet qui lui tomba mollement sur les genoux.
    — Mets-la à cuire. Tu verras, c’est bon. Surtout les cuisses. Tenez, j’en ai attrapé d’autres.
    — Ouh ! Putain de mangeur de grenouilles. T’es bien un vrai Franklin*, toi. À propos, on peut savoir ce qui t’amène à te battre avec nous autres ?
    — Il n’est pas le seul, intervint quelqu’un. D’autres se sont ralliés à nous pour ne pas crever comme des gueux.
    Louis prit le temps d’offrir à un homme qui en réclamait un peu de l’onguent

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