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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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idée. C’est fascinant d’observer quelqu’un qui dort les yeux ouverts.
    — Quoi ?
    — Mais oui. Vous l’ignoriez ? Cela m’a pris un certain temps avant de me rendre compte que vous étiez inconscient. Baillehache, dites-vous ? Ce nom ne me dit rien.
    — Le cheval. Où…
    — Calmez-vous, mon garçon, calmez-vous. Le cheval va bien. Nous l’avons pansé et nourri. Il loge à l’écurie. Jeune et fringant comme il est, il se remettra vite. Un animal remarquable. Douze ans tout au plus. À lui seul, il fait votre fortune.
    « Ils me le laissent », se dit Louis, incrédule. Il demanda :
    — Bien. Et… votre maître… où suis-je ?
    Le vieillard sourit avec malice et montra la rouelle qu’il portait au bras.
    — Dans la tente d’un humble fils d’Israël. Je suis un physicien {162} présentement au service de messire Jean de Picquigny.
    Louis ferma brièvement les yeux. Il était peut-être sauvé. Jean de Picquigny était loyal au roi de Navarre, donc il était du parti anglais auquel Louis avait été affecté. Il en déduisit qu’il n’était pas captif.
    Le visage souriant d’une femme apparut dans l’ouverture de la tente.
    — Plus tard, ma jolie. Notre mystérieux cavalier n’est pas encore en état de recevoir une charmante visite comme la vôtre.
    Le médecin alla refermer les pans de toile et revint s’installer auprès de son patient.
    — Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous revenez de loin. De très loin même. Et je ne parle pas que de ces deux blessures que je viens de soigner.
    Louis détourna le regard.
    — Bien. Libre à vous de ne m’en rien dire. Je ne vous y contraindrai pas. Mais il me faudrait avoir un cœur de pierre pour demeurer insensible aux torts que l’on vous a visiblement infligés. Voilà. Je tenais à ce que vous le sachiez.
    Il se releva.
    — Messire de Picquigny va venir bientôt vous voir. Il y a de fortes chances qu’il insiste pour en savoir un peu plus à votre sujet.
    — Je n’ai rien à lui cacher. J’habite Caen et j’appartiens au roi de Navarre. Et je ne fuyais pas.
    — Je vois, je vois. Votre hôte et bienfaiteur sera sûrement fort heureux de l’apprendre.
    Le vieillard se dirigea vers l’ouverture et se retourna.
    — À titre de curiosité, comment nommerez-vous votre cheval ?
    — Euh…
    Louis revit le paysage confus et le galop chaotique à travers le champ de bataille. Il sentit à nouveau entre ses bras l’encolure puissante et le roulement des muscles sous lui. Il entendit le grondement de tonnerre que produisaient les sabots.
    — Tonnerre. C’est Tonnerre. J’aimerais le voir.

Chapitre XII
    Cum panis
    (Avec du pain {163} )
    Paris, 29 novembre 1357
    La France n’avait plus de roi. Cela ne s’était jamais vu. Les Anglais avaient emmené Jean en otage avec eux, laissant le royaume entre les mains d’un régent {164} encore jeune, inexpérimenté et maladif. Avec la défaite de Poitiers-Maupertuis, l’idéal chevaleresque ancien avait connu ses derniers jours de gloire. La noblesse, de plus en plus avide, ne voulait plus servir la Couronne pour l’honneur, mais pour les richesses que cela pouvait lui apporter.
    La bourgeoisie parisienne lettrée avait elle aussi perdu confiance ; elle se choisit un chef plus représentatif en la personne du prévôt des marchands, président naturel des échevins de la cité {165} . Ce fut lui qui prouva que la ville pouvait très bien se passer du dauphin chétif. Pour parer à toute éventualité après la débandade de Poitiers, le prévôt avait, de sa propre initiative, entrepris d’améliorer les fortifications de Paris. Les vénérables murailles de Philippe-Auguste ne suffisant plus depuis belle lurette à contenir la ville, de nouveaux remparts furent érigés pour protéger, entre autres, le Louvre et l’Université. L’île elle-même fut fortifiée. On installa canons et machines de guerre, et des chaînes furent forgées pour être tendues et créer ainsi des obstacles contre les attaques nocturnes. Tout cela fut accompli par les communes, sous l’égide du prévôt. On était en train d’arracher le sceptre de la main trop mal assurée du Régent. Ce dernier parvint quand même à instaurer un simulacre de règne. Mais les gens n’arrivaient pas à oublier que le trône de France était devenu bancal. Vigilants, les charognards guettaient le signal de la curée. Il s’agissait en l’occurrence des meutes de brigands qui avaient

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