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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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lui avoir fait ça, c’est tout.
    — Eh ! eh ! C’est une blague ou quoi ? Tu t’en veux ! Quelle connerie, oui. Dis plutôt qu’il aimait ça, le petit salaud. Tout comme moi. Que veux-tu, c’est de famille.
    Il empoigna l’un des seins de la servante. Desdémone se déroba.
    — Laissez-moi tranquille.
    — C’est ça, garde-les pour lui, tes mamelles. Pour sûr qu’il va en profiter. Tiens, bâtis-lui donc un autel ici, pendant que tu y es. Vas-y, te gêne pas. Bon sang de merde. Faut pas dire n’importe quoi aux petits. D’accord ? Laisse donc les morts en paix.
    *
    Rouen, quelque temps plus tard
    — D’habitude, ils font le contraire, dit un noble à son voisin.
    Perché en haut d’une échelle, Louis décrochait du gibet des morts dont il ne restait plus que des restes desséchés qu’il enfouissait dans un sac. Lorsqu’il redescendit, son fardeau ne pesait pas lourd. Ce fut dans la fosse qu’il trouva le plus clair des dépouilles. Une procession les attendait à distance respectable. Certains enfonçaient le nez dans des mouchoirs parfumés à l’essence de jasmin. Le bourreau disposa les ossements sur le catafalque qui avait été apporté en grande pompe.
    Parmi les gens présents se trouvait le responsable de cette cérémonie inhabituelle, le roi de Navarre, qui avait parlé avec la même faconde qu’à Paris. Les victimes du malencontreux festin de Rouen eurent ainsi droit, en sa présence, à des obsèques suivies d’une sépulture chrétienne. Louis assista au service, et ceux qui se tournèrent vers lui exprimèrent leur mécontentement en qualifiant ses dévotions de patenôtres d’hypocrite.
    Dès la fin de la cérémonie, il fila sans bruit et alla se perdre dans les rues de la ville. Il avait besoin d’un peu de temps pour réfléchir à ce qu’il allait faire. La nouvelle qu’il venait tout juste d’apprendre était étourdissante.
    Il fit un détour par l’écurie aux portes encore ouvertes, évitant de mettre le pied dans la rigole où stagnait le pissat des chevaux. Quelques bêtes secouèrent leur encolure aux crins hirsutes afin d’éloigner de leurs yeux les mouches de moins en moins nombreuses au fur et à mesure que la nuit tombait. Depuis sa stalle, un destrier à la robe noire reconnut la grande silhouette qui s’approchait dans la pénombre et se mit à encenser. Tonnerre avait été soigneusement bouchonné un peu plus tôt, et Louis lui avait servi son picotin de grains. Il posa la main sur le nez velouté du cheval, qui lui donna de petites poussées affectueuses. Le bourreau pénétra dans la stalle avec une lanterne et vérifia l’état de ses sabots. Il revint à l’avant et fouilla dans sa poche pour en extraire une pomme qu’il coupa en deux avant de la lui donner à manger. Tonnerre apprécia la friandise et eut la délicatesse de ne pas en chercher d’autres. Il tourna la tête pour regarder son maître de ses grands yeux tendres. Dès le premier jour, Louis avait ressenti l’étrange impression que le cheval le comprenait. Et qu’il l’aimait. Il s’avança à peine, comme gêné par ses propres sentiments. Mais Tonnerre les comprit. Il encensa doucement et logea son nez contre l’épaule de l’homme. Louis leva les bras et étreignit la bête par son encolure. C’était une caresse inconsciente, presque sensuelle, que l’on n’aurait jamais attendue de sa part.
    Lorsqu’il quitta l’écurie, Louis porta de nouveau la main à sa poche et effleura le morceau de parchemin qui y était plié. C’était un sauf-conduit accompagné d’une lettre qui le sommait de se rendre à Paris aussitôt que possible. Il s’y passait des choses graves, et le bourreau de la ville ne suffisait plus à la tâche.
    Louis ne put s’empêcher d’être la proie d’une excitation telle qu’il n’en avait plus connue depuis longtemps. Puisque tout portait à croire que le groupe de Pénitents auquel son père appartenait s’était depuis longtemps démantelé, il y avait de fortes chances que le boulanger soit tout bonnement rentré au bercail pour reprendre la boutique en main. Firmin était un homme sans imagination ni initiative. Si personne n’était là pour alimenter son esprit obtus, il se cantonnait dans les petites habitudes qu’il connaissait. La patience de Louis allait peut-être trouver sa récompense.
    *
    Firmin était allé écouter le régent qui s’était lui aussi mis à prêcher dans Paris. Mais il ne possédait pas la

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