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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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inutiles, car son issue n’en dépendait pas.
    Une fois parvenu au milieu d’une pente, Louis se laissa glisser du cheval. Il avait les jambes flageolantes. De là, il fut à même de constater l’ampleur du désastre. Il aperçut aussi les fantassins qui s’étaient mis à ses trousses. C’était un petit groupe de mercenaires à la solde de Jean. Attirés par la perspective d’un magot, ces six hommes étaient parvenus à s’extraire de la mêlée pour attraper ce déserteur, ce voleur de chevaux qui s’était tapi derrière des vignes comme un lâche. Ils cassèrent dans leur hâte plusieurs des empennes blanches semées là par les archers gallois. Elles ressemblaient à autant de fleurs plantées dans cette terre gorgée de sang dont elles paraissaient s’abreuver en silence.
    Quand la première flèche vrombit près de l’un d’eux, ils crurent qu’ils se faisaient des idées. La seconde se ficha dans l’estomac d’un homme et la troisième traversa de part en part la gorge d’un autre. Ceux qui restaient debout firent demi-tour en louvoyant.
    Louis sortit de sa cachette et, à découvert, entreprit de décocher ses flèches en l’air, afin qu’en retombant elles atteignent une masse de bidaus* ennemis qui refluait vers les bords comme de l’écume sale.
    *
    — Seulement sept à la minute. Ce ne peut être l’un de nos Gallois, dit un gentilhomme à qui la scène n’avait pas échappé puisqu’il l’observait depuis une hauteur.
    — Néanmoins un archer convenable, malgré son attirail sommaire, messire. Ce gaillard a de l’esprit : personne ne se défiait plus des flèches.
    — Il a pris ce cheval aux Français. Ce n’est pas un vol, mais un butin de guerre. Par conséquent, l’animal lui appartient. Une bête splendide.
    — Est-ce un déserteur, à votre avis ?
    — Comment savoir ? Tenez, les voilà qui ont leur compte. Ils se replient.
    — J’ai idée que c’était son intention, à lui aussi.
    — Je ne crois pas. Regardez-le vider son carquois sur la mêlée. C’est un féroce. Non, il ne fuit pas.
    L’homme haussa les épaules et se désintéressa de la question : un courrier arrivait avec des nouvelles fraîches.
    Le gentilhomme vit Louis chanceler et disparaître entre les vignes. Le destrier s’en approcha pour le pousser gentiment de son nez velouté, frémissant d’inquiétude. L’homme se retourna et dit, en voyant la scène :
    — En tout cas, ce destrier semble s’être épris de son médiocre cavalier. Sans doute est-ce par pitié. Un manant. On aura tout vu.
    Le gentilhomme ordonna :
    — Ramenez-les-moi, lui et sa monture. Nous verrons tout à l’heure ce qu’il convient d’en faire.
    — À vos ordres, messire.
    Et le gentilhomme se dirigea vers le courrier qui l’attendait.
    *
    — Pied à terre ! ordonna Jean.
    C’était insensé. Tout autant que l’avait été la funeste charge de cavalerie. Mais les hommes du roi obéirent. Lui-même descendit de cheval, appela ses fils à lui et transmit ses instructions :
    — Douze mille. Douze mille ribauds et la bataille est perdue. Repliez-vous du côté de Chauvigny. Prenez une escorte de huit cents lances avec vous.
    — Bien, Père, dit Charles.
    Les autres aussi obtempérèrent, à l’exception de Philippe, un garçon de quatorze ans qui, lui, refusa catégoriquement :
    — Pas moi. Je reste avec vous.
    Il n’y eut aucun moyen de le faire changer d’avis.
    Pendant ce temps, la bataille faisait toujours rage, car Jean n’avait pas ordonné de sonner la retraite. Il se montrait fidèle au vœu de son futur ordre, celui de ne reculer en aucun cas. Cette résistance obstinée fut aussi funeste au royaume que le repli de ses fils.
    Il avait laissé les milices communales en deçà de la Loire. Il avait eu avec lui cinquante mille hommes. En plus de ses quatre fils et de son connétable, il avait été accompagné de ses maréchaux, de vingt-six comtes, de cent quarante bannières : toute la fine fleur de la France. Dix-sept comtes furent capturés, de même que cent soixante barons et plus de deux mille chevaliers. Tous vaincus par de simples archers anglais qui, par groupes de cinq ou six, s’étaient emparés de preux qui s’étaient crus invincibles. Certains sujets d’élite disparurent purement et simplement au plus fort du combat. Amoul d’Audrehem y fut pris dès le début.
    Non moins aveugle que son modèle, le roi de Bohême, Jean continuait à se battre. Et, dans le

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