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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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camp adverse, il n’y avait que des sourds : le manant gallois ou irlandais ne savait ni français ni anglais ; il n’entendait pas les supplications du chevalier renversé et ne répondait que du couteau.
    Pourtant, des hommes vaillants continuaient à défendre leur roi qui représentait un monde ancien tenant d’un idéal qui était en train de s’éteindre. Et le monde nouveau faisait peur, car il était issu d’un réalisme trop cru qui ne pouvait à leurs yeux proposer d’idéal.
    — Gardez-vous à gauche, Père… et là, là, à droite ! Attention ! criait le jeune Philippe, qui faisait partie des défenseurs du dernier roi-chevalier.
    Oui, cette bataille marquait la fin d’un monde et ce fut un vaillant garçon qui l’enterra avec panache. Il n’aurait pu en être autrement {160} .
    Jean II se rendit courtoisement à Édouard de Woodstock. Ce dernier prit possession de son prisonnier avec maints égards, étant donné son statut royal, mais aussi à cause du grand courage dont il avait fait preuve. Bien qu’insensé, son acharnement avait tout de même forcé l’admiration.
    À l’instant où le roi déclarait forfait, des trompes mugirent, et un silence ponctué des plaintes de centaines d’agonisants fondit sur le champ de bataille en même temps que les premiers rapaces. Les mères se mirent à la recherche de leurs fils, les épouses, de leur mari, les filles, de leur père. Et chacune, agenouillée dans le sang et la sanie, pleurait la perte irrémédiable consentie au nom de quelque glorieuse quête qui, des années plus tard, allait se voir résumée en un paragraphe dans les livres d’Histoire.
    L’homme que les Anglais avaient jusqu’alors appelé Jean de Valois était tout à coup reconnu comme le véritable roi de France, et la bravoure du royal captif n’y était pour rien. Le prince de Galles ne pouvait manquer d’apprécier cette fortune inouïe qui lui était remise entre les mains. Qui tenait le roi tenait le royaume.
    Jean le Bon fut servi à la table d’Édouard par le prince lui-même, à qui il fit remarquer :
    — Mon anneau de Charlemagne, je l’ai perdu avec mes gantelets lorsque j’ai dû combattre à mains nues. Décidément, les astres m’étaient défavorables {161} .
    *
    La première chose que Louis vit en reprenant conscience fut la toile rayée d’un tref* qui gonflait sous la brise. Il était installé sur une couchette propre. Tout était encore envahi par le vacarme de la bataille. Soudain un rire s’éleva. Celui d’une femme, tout près. Il tourna la tête et se rendit compte que le vacarme était dans sa propre tête. C’étaient des vestiges de l’affrontement et ils s’évaporèrent dès qu’il prit pleinement conscience de l’endroit où il se trouvait. Ils cédèrent la place à un merveilleux silence ou plutôt à toutes sortes de petits bruits anodins qu’en temps normal on remarque à peine, un trille d’oiseau, des gens qui bavardent ou rient, quelqu’un qui s’exerce à jouer de la flûte.
    Louis soupira. On lui avait retiré son harnois et on l’avait baigné. Il sentit que ses blessures avaient été pansées. Une odeur sucrée de baies mûres flottait autour de lui. Il reconnut celle du genévrier qu’on utilisait pour soigner les plaies. On avait temporairement refermé la blessure de sa cuisse et on y avait appliqué un cataplasme à base d’orties. Le bandage, solidement fixé, avait été imbibé d’une préparation semblable à laquelle avait été rajouté du cyprès. « Peut-être que je suis mort, se dit-il, et que de l’autre côté c’est le jardin de ma mère. »
    Tout à coup il prit peur et s’assit brusquement.
    — Ouille !
    Il retomba sur le côté, en position fœtale.
    — Doucement, mon ami. J’ai dû vous recoudre. Détendez-vous. Tenez, buvez ceci.
    Louis se retourna et prit péniblement appui sur un coude afin de boire l’infusion amère qu’un vieillard barbu, surgi de nulle part, lui tendait.
    — Merci, dit-il après avoir tout bu, car il était assoiffé.
    — De rien. Il m’a paru périlleux d’avoir recours à l’aiguillée pour votre cuisse. La chair en est trop fragile. Nous devrons cautériser au fer.
    Louis fit un signe d’assentiment. Le vieillard ajouta :
    — Mon maître désire connaître votre identité. Le blessé se retourna en soupirant.
    — Baillehache.
    — Je le lui dirai.
    — Suis-je prisonnier ?
    — À vrai dire, je n’en ai pas la moindre

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