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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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commencé à proliférer, ainsi que de certains ennemis demeurés en terre française.
    Plus de roi, plus de foi. On se vendait au plus offrant.
    On faisait pourtant fausse route. Il y avait un roi en France, plus exactement à la forteresse d’Allères-en-Paillens {166} où il avait été incarcéré après avoir séjourné au Château-Gaillard, au Louvre et au Châtelet. Ce roi n’était nul autre que Charles de Navarre. Jean de Picquigny l’avait délivré par surprise, pendant la nuit du mercredi 8 novembre 1357. Par l’entremise, entre autres, du prévôt des marchands de Paris, Etienne Marcel {167} , et de Robert le Coq {168} , il avait pu se rendre à Paris avec autant d’hommes d’armes qu’il le souhaitait. Le Coq lui avait dit :
    — Sachons nous montrer prudents, monseigneur, car le soi-disant dauphin a pour lui, comme vous-même, des défenseurs acharnés.
    — C’est, hélas, vrai. Or, quoi de mieux pour affronter un prince qu’un autre prince ? avait répliqué le royal personnage.
    Le petit roi profita de cette situation inespérée qui lui était offerte. Il commença par s’arrêter hors les murs, à Saint-Germain-des-Prés.
    Une tribune était installée contre le mur de l’abbaye, d’où les juges présidaient aux combats judiciaires. Le Pré-aux-Clercs, limite de deux juridictions, était en effervescence. Le régent en personne était présent, car il n’avait osé refuser l’accès de la ville à son parent. Il prêta une oreille attentive à ses prétentions.
    — Chers amis, oyez-moi, oyez moi bien. Mon désir le plus ardent est de consacrer mon sang, ma vie et mon âme à défendre notre beau royaume de France qui se trouve en si grand péril. Oui, c’est là mon vœu le plus cher. Pourquoi tant de méfiance à mon égard ? Pourquoi se défie-t-on de moi et m’accable-t-on d’injures comme si j’étais le dernier des brigands ? Ne suis-je point français comme vous tous par mon père et ma mère ? Comment se fait-il que cet Édouard d’Angleterre, cet étranger malfaisant, puisse impunément réclamer la couronne de France, alors que moi qui suis des vôtres ne le puis ? Comment se fait-il que le petit-neveu d’un roi puisse s’arroger le droit de tenir le sceptre, alors que le petit-fils, lui, se voit honteusement spolié et emprisonné comme un vulgaire criminel ?
    Imperturbable et pâle sous son dais, le régent ne pouvait être insensible à l’effet que produisait ce discours sur les habitants de sa cité. Charles de Navarre avait délaissé le latin des lettrés et les argumentations complexes pour s’adresser à eux dans le langage qui leur était familier. Ce n’était pas un prône, qu’il leur servait, mais une fable bien tournée qui émouvait les Parisiens. Les gens se prenaient de sympathie pour lui. Subjugués, ils demeuraient sur place, ignorant les fumets appétissants des soupers oubliés que l’heure tardive laissait dériver vers eux.
    — Je rentre, dit un homme qui se fraya un chemin à travers la cohue avec ses deux compagnons de beuverie. Faut que j’aille pisser. N’empêche qu’il cause plutôt bien, ce petit roi.
    — Moi, j’ai guère compris son charabia, dit l’un d’eux.
    — C’est parce que tu t’es trop imbibé de ce vin de Mâcon. T’aurais dû te méfier, compère. Je t’avais pourtant prévenu que ça tapait fort.
    Firmin dut s’arrêter un peu pour empêcher le sol boueux de trop ondoyer sous ses pas. Il hoqueta et dit :
    — Ça nous ferait un bon roi. Mais ce que je pense, surtout, c’est que le prévôt, il fait du beau travail. Ouais. Ça va barder en ville, avec Marcel. C’est moi qui vous le dis. Ben merde, vous avez pris racine, ou quoi ? Parce que j’ai ma vessie qui va péter, moi.
    *
    La boutique de la boulangerie était demeurée ouverte jusqu’à la tombée de la nuit. La visite de Charles de Navarre avait provoqué une véritable marée humaine, si bien que les auberges ne désemplissaient pas. Cet événement profitait grandement à la moindre échoppe en ville.
    Desdémone s’essuya le front et sourit à un gamin dont le minois était barbouillé de confiture. La chaleur du four obligeait la femme plantureuse à ne porter que des robes de lin, même en plein hiver. Toutefois, une mante de laine bien chaude l’attendait, pendue à un crochet. La domestique s’apprêtait à la reprendre pour sortir dans la cour.
    — Allez, petiot, viens un peu par là avant que je te prenne pour un

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