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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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faconde du Navarrais. Charles de Navarre n’hésita pas à déployer au mieux ses talents oratoires afin de prouver que son coûteux secours était indispensable pour débarrasser le pays des compagnies de routiers* qui de plus en plus l’infestaient. Or, ces bandits qu’on désignait souvent du nom de Navarrais n’obéissaient en fait ni à un roi ni à l’autre. Ils ne servaient que leurs propres intérêts. Et, en échange de ce service impossible à rendre, Charles de Navarre exigeait le fractionnement du royaume déjà affaibli. Le régent et Charles de Navarre n’arrivaient pas à s’unir pour affronter le fléau, et les Anglais, de leur côté, surveillaient attentivement toute cette incertitude dont le peuple était las. Nombreux étaient ceux qui, comme Etienne Marcel, manifestaient l’envie de prendre les choses en main. Il émanait de Paris une lourdeur propice aux orages.
    *
    — On a fait la fête à La Harpe. On a eu des pots de feuilles de lierre cuites au vin. Je vous dis pas comme c’était bon. Au fait, il y a une nouvelle mode, en ville. J’ai plutôt fière allure, vous trouvez pas ?
    Firmin était rentré un soir en arborant un chaperon aux couleurs de la ville, bleu et rouge. Une fois attablé, il expliqua à sa famille :
    — C’est une idée d’Etienne Marcel. Il veut que les bourgeois constatent d’eux-mêmes que nous sommes nombreux à le soutenir. Vous devriez voir ça : on dirait que tout Paris est en bleu et rouge. Paraît qu’il y en a autant à Laon et Amiens. Un grand homme, le prévôt Marcel.
    C’était impressionnant, surtout que Paris s’emplissait de plus en plus. Les paysans quittaient les campagnes désolées afin de trouver refuge dans la cité. Les vivres étaient devenus plus rares et, par conséquent, leur coût augmentait. Firmin annonça, d’un air prétentieux :
    — Le régent vient encore d’altérer la monnaie {170} . Comme si c’était une solution ! Mais cette fois on ne marche plus. Ne comptez pas sur moi demain. Le prévôt attend tous les corps de métier du côté de Saint-Eloi, pour tierce*.
    — Je n’aime pas ça, dit Hugues, qui s’abstint de faire remarquer que de toute façon Firmin était rarement présent à la boulangerie.
    — Quoi, tu n’aimes pas ça, le gendre ! Tu crois que ce ne sont que des histoires de taverne ? Pas cette fois. Je te jure qu’on est très sérieux.
    — Justement. C’est pire. Il y a là-dedans quelque chose qui cloche. J’ignore ce que c’est, mais je sens qu’on va avoir des emmerdes.
    — Papy, est-ce que je peux avoir un joli bonnet, moi aussi ? demanda la fille de Clémence.
    — Ne m’interromps pas, ma fille.
    Firmin rit et prêta le sien à l’enfant en lui ébouriffant les cheveux de sa main fanée.
    — À toi le bonnet, à moi l’hôtel du dauphin. Je vais enfin avoir l’occasion de mettre le pied dans un palais royal. Eh ! eh ! Pardieu ! C’est pas trop tôt, même si ce n’est pas là qu’ira mon pain !
    *
    Un magma vociférant hérissé de vouges, de pertuisanes et de fauchards déferlait dans les rues. Il s’apprêtait à investir l’hôtel du dauphin. Parmi les bonnets colorés, on distinguait même quelques-uns de ces antiques tridents qui n’étaient pas sans évoquer le Neptune romain. Firmin, quant à lui, s’était muni d’une vieille fourche empruntée à un paysan. S’il ne parvint pas à mettre le pied dans le palais royal, il était tout de même très fier du simple fait qu’il participait à quelque chose de grand, de mémorable, même si son âge avancé et la constante bousculade l’empêchèrent d’y prendre grande part.
    Il vit que l’un des conseillers royaux eut la malchance d’être reconnu. L’homme fut poursuivi jusque dans la maison d’un pâtissier où il fut mis en pièces sans même avoir eu le temps d’émettre un cri. La voix déjà enrouée par les vivats et la mauvaise vinasse, Firmin acclama ce geste avec les autres.
    — Allons, allons, mes amis, un peu de tenue, scanda Marcel d’une voix forte. Une tâche plus importante nous incombe.
    Chose étonnante, cette foule de bourgeois non exercés au métier des armes ne manquait pas d’une certaine discipline, tout juste suffisante pour en maintenir la cohésion.
    Plusieurs suivirent le prévôt à l’intérieur de l’hôtel. Firmin tenta en vain de se frayer un chemin jusqu’à la porte. Tous les officiers royaux prirent la fuite devant cette foule en furie dont un

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