Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
seul petit groupe pénétra de force avec Etienne dans la chambre du régent. Ses deux conseillers ordinaires, Jean de Conflans et Robert de Clermont, se tenaient à ses côtés. Ils étaient maréchaux, l’un de Champagne, l’autre de Normandie. Le dauphin se leva, le visage livide.
    — Comment osez-vous ! dit l’un des conseillers qui encadraient le dauphin.
    Etienne Marcel répondit, en s’adressant directement au jeune homme :
    — Monseigneur, nous sommes venus vous prier de bien vouloir mettre de l’ordre dans le royaume qui doit un jour vous revenir.
    Le régent se redressa imperceptiblement et fit courageusement un pas en avant. Il avait le teint blafard et paraissait sur le point de s’écrouler, mais il eut néanmoins l’audace de répliquer :
    — Je le ferais volontiers si j’avais de quoi le faire. Mais c’est à celui qui a les droits et les profits d’avoir lui aussi la garde du royaume.
    Le prévôt soupira et jeta un coup d’œil à ses gens, avant de dire :
    — Monseigneur, ne vous étonnez de rien de ce que vous allez voir. Il faut qu’il en soit ainsi.
    Faisant un pas de côté, il dit à ses hommes :
    — Faites vite ce pour quoi vous êtes venus.
    Quelques brutes se jetèrent sur le maréchal de Champagne.
    — Non ! hurla le régent, qui trébucha dans des draperies et tomba assis sur le sol.
    Robert de Clermont tenta de se réfugier dans un cabinet. En vain. Les bourgeois le rattrapèrent, lui aussi. La tunique du dauphin fut éclaboussée de son sang. Les deux conseillers gisaient, inertes, dans une mare écarlate.
    — Sauvez-moi la vie, dit piteusement le régent à Etienne qui s’approchait.
    — Ne craignez rien, monseigneur. Je suis venu vous aider à mettre de l’ordre dans le royaume, puisque je détiens ce qui vous fait défaut. Il nous fallait bien commencer quelque part, n’est-ce pas ? Soyons donc bons amis. Voyez, désormais nos deux têtes ne font qu’une, et la volonté du peuple est aussi la nôtre.
    Etienne Marcel échangea leurs chaperons et coiffa le régent de son propre bonnet bleu et rouge. À la suite de quoi il s’en alla à la place de Grève haranguer la foule enthousiaste depuis une fenêtre, avec sur la tête le luxueux chaperon du dauphin. Il confia, à l’un de ses hommes :
    — Le malheureux était si terrifié qu’il a fait sous lui.
    Le dauphin était malade, nul ne pouvait le nier. D’aucuns affirmaient qu’il avait été victime d’un empoisonnement. Ce qui n’était pas dit mais fortement sous-entendu, c’était que cet empoisonnement semblait dater du banquet de Rouen. On disait à mots couverts qu’à l’instigation du Mauvais il avait essayé d’empoisonner son père, mais que, voyant la volonté de meurtre de son cousin défaillir et craignant d’être dénoncé, le Navarrais lui avait fait servir un vin empoisonné à lui.
    Le dauphin avait été très atteint : il avait maigri dangereusement, avait perdu tous ses cheveux, et ses ongles s’étaient détachés. Il s’était mis en outre à souffrir de violents maux de dents. Aucun remède n’était parvenu à le soulager.
    Un médecin venu de Rome « amortit tout ou en partie le venin ». Il lui avait donné un remède qui, par une fistule* au bras gauche, évacuait le poison, en précisant que, lorsque cet exutoire ne le soulagerait plus, il ne disposerait que de quinze jours pour s’aviser et penser à son âme.
    Charles de Normandie recouvra ongles et cheveux, mais sa santé allait demeurer fragile sa vie durant. Il était pâle, très maigre et sujet à de fortes fièvres. Sa main droite enflait à un point tel qu’elle en devint presque inutilisable.
    N’ayant guère le choix, il fut contraint de se montrer aimable envers Charles de Navarre, qui revint à Paris quatre jours après le meurtre des deux conseillers. C’était cousu de fil blanc : maintenant que le prévôt avait fait place nette pour lui, le Navarrais pouvait rentrer. Le dauphin était prêt à être cueilli. Etienne Marcel avait clairement montré de qui il était le vassal. Bon gré, mal gré, lui et Robert Le Coq firent dîner les deux rois ensemble quotidiennement afin de les pousser à une réconciliation dont la valeur, dans de telles circonstances, était plus que discutable.
    *
    Firmin rajusta son nouveau bonnet qui lui avait glissé sur un œil. Ses compagnons portaient aussi le leur. Depuis une demi-heure, leurs gobelets étaient vides et ils ne s’en souciaient pas.

Weitere Kostenlose Bücher