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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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noirs du Navarrais pétillèrent de malice. Il dit brusquement, un sourire aux lèvres :
    — Je vous crois. Et je me soucie tout autant que vous de voir les Anglais se fixer ainsi au cœur du royaume. Il me plaît, monseigneur, de vous faire savoir que j’accepte de signer ce traité sans tenter de négocier, car il est, tout comme vous-même, d’une admirable sagesse. Je promets d’être dorénavant un bon Français. Maintenant que nous faisons cause commune, plaise à Dieu que nous suscitions chez notre ennemi anglais un effroi salutaire.
    La signature du traité se conclut par une célébration eucharistique au cours de laquelle les deux monarques devaient communier à la même hostie pour sceller davantage l’entente. Mais le petit roi du Midi, à genoux à côté du régent, chuchota, d’un air faussement embarrassé :
    — Vous me voyez fort navré de ne pouvoir communier avec vous, cher cousin : je ne suis, hélas, pas à jeun.
    *
    Des chevaucheurs navarrais trottaient allègrement en direction de la porte Saint-Honoré qui s’ouvrait sur le marché des pourceaux. L’un d’entre eux se détacha du groupe et se laissa distancer. Il était suivi d’un mulet dont la longe était attachée à la selle de son cheval. La bête aux grandes oreilles portait sur son bât un bissac de nourriture, une toile de tref*, un mât désassemblé, des cordes et des piquets. Après avoir couvert au pas une courte distance, le cavalier fit arrêter sa monture. Nul ne s’en soucia. Les Navarrais s’engouffrèrent par la porte sans être arrêtés par les sentinelles et disparurent de la vue du cavalier solitaire.
    Sous le ciel pommelé qui s’était graduellement débarbouillé au cours de l’après-midi, Paris s’étendait. Louis, dont la dernière visite nocturne trop brève en cette ville avait eu lieu en compagnie d’un Fricamp supposé fugitif, ne pouvait détacher son regard de ces bâtiments grisâtres, coiffés de tuiles et de bardeaux, entassés derrière des murailles d’où surgissaient les clochers de multiples églises. Ses lèvres s’entrouvrirent lorsqu’il posa les yeux sur les tours jumelles de Notre-Dame. C’était son église, celle du petit garçon qu’il avait été jadis et qui, ne sachant comment prier, avait gravi d’interminables escaliers en colimaçon pour atteindre le firmament.
    Tonnerre s’ébroua et ramena Louis à la réalité présente. Tenant les rênes d’une seule main, il se remit au trot. Au cours des derniers mois, le bourreau avait consacré tout son temps libre à un apprentissage sommaire de l’équitation et il était devenu un cavalier convenable. Tonnerre l’y avait beaucoup aidé. Le cheval s’était montré d’une grande tolérance envers sa maladresse de débutant et, chaque fois que Louis avait été désarçonné au cours d’exercices un peu trop audacieux, le cheval avait tenu à s’assurer lui-même, d’un coup de museau, que son maître était indemne. Ils étaient spontanément convenus d’un signal : quel que fût son point de chute, tas de foin ou étang, Louis devait ensuite poser la paume de sa main sur le museau inquiet et le flatter de son pouce. Tonnerre ne se montrait jamais rassuré sans ce geste.
    Après avoir présenté son sauf-conduit à une sentinelle, Louis passa un peu de temps à se balader en ville. Ce n’était déjà plus le Paris qu’il avait laissé derrière lui près de dix ans plus tôt : il y avait de nouveau des lavandières au bord de la Seine, et des enfants se chamaillaient pour une poignée de billes.
    « La ville se remet plus vite que moi », se dit-il.
    Vêpres sonnaient lorsqu’il atteignit Saint-Germain-des-Prés. Il s’arrêta devant le mur de sa chère vieille abbaye et y posa la main. Tonnerre tourna la tête et le regarda faire.
    — C’est chez moi, dit-il au cheval dont les oreilles frémirent.
    Cette voix trop empreinte d’émotion était celle d’un étranger.
    Louis tourna bride et s’éloigna brusquement, heurtant au passage la brouette d’un vieux maraîcher qui se garda d’exprimer trop haut son mécontentement.
    La liberté, même si elle n’est que partielle, procure une impression étrange, presque angoissante, à quiconque en a perdu l’habitude. Louis ne sut que faire de la sienne en cette première journée. Il revit la rue Saint-Landry et l’armurerie de la porte Saint-Martin. Il erra dans les vieilles rues tortueuses du faubourg Saint-Marceau et de la Cité, qui

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