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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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serpentaient et s’entrecoupaient au gré de leurs caprices. Il évita soigneusement de s’attarder dans la rue Gilles-le-Queux qui l’avait vu grandir ; il n’y demeura que le temps de s’assurer que la boulangerie était de nouveau occupée ; l’écriteau, repeint de frais, affichait toujours le même pain marqué de ses trois lignes sinueuses. Louis en conçut un grand contentement mêlé de douleur. La boutique était revenue à la vie, elle. C’était une bonne nouvelle, même s’il y manquait toujours quelqu’un. L’âme d’Adélie avait déserté ce lieu pour un autre. « Ce jardin-là, aucun sauf-conduit ne m’y donnera accès », songea-t-il.
    C’était étrange de pouvoir circuler à sa guise, sans être soumis aux restrictions qui le rattachaient à une quelconque escorte. Il était investi d’une forme d’autorité élargie qui allait lui donner une latitude amplement suffisante pour qu’il soit en mesure d’agir. Personne n’allait venir lui mettre de bâtons dans les roues. Les états généraux avaient stipulé que tout homme en France était tenu de s’armer, que chacun devait se contenter d’un office et que le nombre des gens de justice allait être réduit. Sauf les bourreaux. Ils en avaient besoin. Et, grâce au chancelier du roi de Navarre qui avait intercédé en sa faveur auprès de Robert Le Coq, il allait officier pendant un certain temps avec le bourreau de Paris au Grand Châtelet, sous la direction d’un magistrat appartenant à la justice séculière.
    *
    — Holà, si ce n’est pas le compère de Caen, salua l’homme en rouge qui vint accueillir Louis devant sa maison dite du pilori des Halles.
    Les deux tours du Grand Châtelet pointaient les nuages en laine peignée qui bombaient leur ventre blanc au-dessus d’elles.
    Louis descendit de cheval et serra la main charnue que son hôte lui tendait. D’au moins dix ans son aîné, maître Gérard, le bourreau de Paris, était un homme trapu dont le nez en pied de marmite trahissait un fort penchant pour la bouteille. Il administra à Louis une paire de claques dans le dos et le dirigea vers sa porte.
    — Baillehache, ton nom, que t’as dit ? Sapristi, t’es aussi grand qu’un Anglesche. Pour sûr que tu vas faire peur à ma femme. Allez, entre et mets-toi à l’aise. On te garde à souper. Le temps de mettre tes bêtes à l’attache et je te rejoins.
    Le géant se retrouva seul face à une femme replète entourée de sept enfants dont l’âge variait entre dix ans et trois mois.
    — Bien le bonsoir, l’homme. Dites donc, ça vous ennuierait d’arrêter de me décrocher toutes les toiles d’araignée qui pendent du plafond avec votre galurin ? Je viens juste de balayer.
    — Pardon.
    Louis se hâta de se décoiffer et regarda la dentelle poussiéreuse qui ornait son couvre-chef.
    — C’est rien, voyons. Asseyez-vous qu’on mange. Dieu que vous êtes grand. Sont-ils tous comme ça, à Caen ?
    — Non. En fait, je suis d’ici.
    — Vraiment ? Eh bien ! On dirait pas. Ainsi, c’est avec vous que mon mari va travailler. Paraît qu’il va y avoir beaucoup de boulot. Tant mieux. C’est pas que je le souhaite, non, c’est pas ça. Mais voilà, faut bien qu’on ait de quoi passer l’hiver. Tout est tellement hors de prix…
    — Qu’es-tu encore en train de raconter, femme ? dit Gérard qui rentrait. Ne lasse pas mon invité avec tes tirades assommantes et sers-nous plutôt un peu de vin.
    S’adressant à Louis, il poursuivit :
    — Dommage que ce soit si petit chez moi, sinon je t’aurais aussi gardé à coucher.
    — Ça va, dit Louis.
    — Tu as une bonne tente, au moins ?
    — Oui.
    — Une tente, un mulet et, par le sel de mon baptême, la plus belle monture que j’aie jamais vue de ma vie.
    — Ne jure pas, gros mécréant, dit la femme qui pinça les lèvres.
    Les enfants, intimidés, ne perdaient pas un mot de la conversation.
    — Voilà qui me donne envie de déménager mes pénates à Caen. Sans blague ! À la tienne, compère !
    Ils burent et mangèrent en bavardant. Il serait plus exact de dire que Gérard bavarda et que Louis l’écouta.
    — C’est un prêtre, l’ami de Père ? demanda un gamin une fois que les deux hommes furent sortis pour se souhaiter la bonne nuit.
    Le bourreau rentrait déjà, un peu penaud. Il avait entendu la question de l’enfant alors qu’il atteignait le pas de la porte et répondit :
    — Non. Mais une chose est sûre,

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