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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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jeune effronté.
    — Très bien alors, j’accepte ton aide. Viens-t’en !
    — Oh ! merde. J’espère que tu plaisantes ?
    — Un peu. Mais ça ne fait rien. Allez, monte.
    Le garçon n’avait pas le choix. La sagacité du bourreau l’avait pris à son propre piège. Le visage blême et les jambes flageolantes, il gravit les marches de l’échafaud sous les encouragements de ses pairs. Baillehache lui présenta le deuxième condamné. Le premier pendait déjà à la potence tandis que le troisième était assis sur la plate-forme, les mains liées à un poteau.
    — Tiens, prends la corde. Prends. C’est le jet. Je l’ai mis plus long exprès pour toi. Tu voulais m’aider, oui ou non ? La corde est ce qui nous sert le plus dans le métier. J’utilise la meilleure, du chanvre italien. À cinq brins, si possible.
    Le jeune homme la tenait du bout des doigts. Elle faisait trois quarts de pouce d’épaisseur. Chaque brin pouvait supporter un poids d’une tonne.
    Le bourreau fit le nœud coulant en prenant le temps d’expliquer, le plus sérieusement du monde :
    — Elle doit être suffisamment souple pour que le nœud se resserre rapidement, et assez mince pour bien couler dans le nœud, comme ceci. Mais attention : si la corde est trop mince, ça te scie le cou comme un fil à couper le beurre. Tu me suis ?
    — O-oui, oui…
    — On ne dirait pas. Et ce petit bout-là, je le laisse dépasser au cas où. Quand le chanvre est un peu trop neuf, il a tendance à être plus élastique et, si je coupe trop près du nœud, ça l’affaiblit, et le patient peut tomber.
    — Vos gueules, on essaie d’entendre, protestèrent plusieurs spectateurs dans la foule qui était toujours aussi bruyante, mais dont les remous s’étaient atténués, la plupart ayant compris le manège du bourreau et s’en amusant beaucoup.
    Baillehache abandonna son supposé volontaire avec le jet dans les mains et entreprit de gravir l’échelle appuyée contre la potence avec le condamné qui sanglotait. Lorsque tout fut prêt, le bourreau dit, d’une voix forte depuis le haut de l’échelle sur laquelle il s’était perché :
    — Toi qui parlais de fidélité envers le royaume, tu ne peux fournir une meilleure preuve de la tienne que de prendre le rôle principal. Vas-y, tire !
    L’infortuné jeunot dut s’y reprendre à deux fois avant que sa traction nerveuse sur la corde ne sépare les pieds du condamné des barreaux de l’échelle. Louis l’aida d’un coup de genou dans les mollets de la victime. L’assistant eut un halètement horrifié lorsqu’il vit l’exécuteur redescendre l’échelle comme si de rien n’était, en laissant le pendu se tortiller tout seul au bout de sa corde.
    — Pas mal, mais j’ai vu mieux, dit Baillehache.
    Et il s’adressa à tous les spectateurs qui observaient un silence relatif.
    — Essayez donc de vous mettre à ma place avant de critiquer mon travail.
    Il s’en alla chercher le troisième condamné. Il put terminer sa tâche sans l’inquiétude de se voir agressé en dépit de la présence des gardes. Les spectateurs se mirent même à lui prodiguer des encouragements.
    À la fin du supplice – il avait cassé le cou des deux derniers condamnés –, le bourreau descendit de l’échafaud pour suivre les magistrats qui s’en retournaient au Châtelet. Même si le sinistre personnage exerçait une certaine fascination sur eux, les gens s’écartaient et détournaient les yeux sur son passage, alors qu’un peu plus tôt certains lui avaient offert d’aller boire un coup à la taverne avec lui. Il n’en fut pas perturbé. Les choses se passaient toujours ainsi pour celui dont la présence visait à rassurer les honnêtes gens et à terroriser les malfaiteurs. Mais le seul nom de Baillehache commençait à angoisser l’un et l’autre.
    *
    Au cours des jours qui suivirent, le travail diminua sensiblement, et Gérard put suffire à la tâche. Baillehache disposa donc de plus de temps pour vaquer à ses affaires personnelles.
    Entre matines et laudes, Firmin fut amené au geôlier afin que ce dernier déverrouille ses chaînes. Les manilles furent extraites à l’aide de tenailles, et le prisonnier fut emmené.
    — Ça y est ? Je peux m’en aller ? Ils ont enfin compris que c’était une erreur ? demanda-t-il, épuisé mais galvanisé par la perspective de sa libération.
    — On m’a parlé d’une formalité préparatoire, c’est tout, dit le

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