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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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anéantir presque toute possibilité de sommeil.
    — Tout ça est faux. Je n’ai rien fait, dit-il à Baillehache qui le conduisait par un bras en direction de la trappe menant aux cachots.
    Le bourreau ne dit rien. Firmin s’arrêta, pour ajouter :
    — Attendez, attendez. Faut que je vous montre quelque chose. Tenez, vous voyez ça ? Cette grosse brûlure sur mon épaule ?
    Le vieil homme fixa désespérément le regard du tortionnaire. Il fut soulagé de constater que Baillehache avait posé les yeux sur la petite blessure.
    — Oui, dit-il.
    — Vous avez vu ? Hein ? Eh bien, c’est eux qui m’ont fait ça. Les Jacques. Ils m’ont brûlé. Pour m’obliger à leur donner du pain. Vous comprenez ?
    Baillehache ne répondit pas. Ses prunelles scintillèrent depuis leur refuge derrière l’étoffe informe de la cagoule.
    — Il n’y en a qu’une parce que j’ai cédé tout de suite. Je me fais vieux, vous savez ? Je ne fais de mal à personne. Et eux, ils sont venus chez moi et ils m’ont forcé à leur donner mon pain, encore et encore…
    Baillehache posa le pouce sur la petite plaie et la frotta avec une certaine rudesse.
    — Tu mens.
    — Aïe ! Mais non, je ne mens pas !
    — Si, tu mens. Ceci n’est pas une brûlure.
    — Hein ? Quoi ?
    — Il n’y a pas d’ampoule. C’est sec. C’est la friction de la corde ; elle t’a fait une abrasion lorsqu’on t’a emmené. La preuve est là, autour. Regarde toi-même : c’est écorché. Une vraie brûlure ne laisse pas ce genre de trace.
    Baillehache se mit à gratter vicieusement l’abrasion avec l’ongle du pouce.
    — Aïe ! aïe ! Mais arrêtez, merde, ça fait très mal !
    Le dos de la main du tortionnaire atteignit le prisonnier en pleine figure. Firmin, à demi assommé, perdit l’équilibre, mais ne tomba pas, car Baillehache le retenait. Il dit calmement, tandis que le vieillard se mettait à renifler à cause de son nez qui saignait :
    — Désolé. Ça ne prend pas avec moi. Tu viens de commettre une grave imprudence, Firmin. Très grave. Ton mensonge va m’obliger à te faire des choses désagréables.
    — Mais je n’ai pas menti. J’ignore comment c’est arrivé, mais c’est eux qui me l’ont fait. C’est eux, je le jure sur ma vie.
    Ce que Firmin découvrit au bas de l’échelle était encore pire que ce qu’il avait appréhendé. Ils se trouvaient dans un passage bas et étroit où stagnait un air vicié qui se renouvelait difficilement par quelques soupiraux invisibles. Il y avait des rangées de cachots dont la plupart étaient occupés par des misérables squelettiques.
    De l’humidité dégouttait du plafond du côté des douves et transformait le sol de terre battue en boue froide, gluante et fétide. À moins qu’il ne s’agît d’autre chose.
    Le bourreau poussa le vieil homme dans un cachot vide, tout juste suffisant pour contenir une personne assise. Des blattes, alertées par la soudaine lueur des torches, s’échappèrent par d’étroites fissures.
    — Non, je vous en supplie, écoutez-moi. Ne m’abandonnez pas ici.
    Pris de panique, Firmin essayait en vain d’empoigner le bourreau par son vêtement. Baillehache le repoussait aisément, avec une monstrueuse indifférence. Il l’enchaîna au mur par son collier et par ses bracelets, ce qui le contraignit à garder les mains levées au-dessus de sa tête. Firmin pleurait. Avant de refermer la porte, Baillehache, magnanime, lui dit, de la même voix toujours posée :
    — N’aie crainte, je reviendrai bientôt.
    *
    — Tu utilises de la ficelle de pêche pour lier les mains ? Quel affreux gaspillage, fit remarquer Gérard.
    Les deux bourreaux s’étaient présentés de bon matin au Châtelet pour y passer ensemble une partie de la journée. Louis répondit :
    — C’est meilleur qu’une cordelette ou du cuir, qui finissent par se détendre. Voyez.
    Il donna une violente secousse sur les liens qui serraient les poignets de Desdémone derrière son dos. Elle cria. Le geôlier, qui le regardait aussi faire, la retint plus fermement. Louis reprit :
    — C’est du chanvre. S’ils tirent dessus ça leur pénètre dans la chair, mais ça ne casse pas.
    — Voilà qui n’est pas bête. Et cette boucle que tu fais, qui tire les deux coudes l’un contre l’autre, c’est génial. Ça dégage la nuque et ils ne peuvent plus rentrer la tête dans les épaules. Et tu as appris tout ça tout seul ? Je veux dire, sans

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