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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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geôlier à qui on avait recommandé de ne pas intervenir dans cette affaire.
    — Une formalité ? Quel genre de formalité ?
    — J’en sais rien. Demande à Baillehache.
    — Sûrement pas. Tu ne crois tout de même pas que j’ai envie de le voir, celui-là ?
    Une porte s’ouvrit, et Firmin fut poussé en avant. La grande silhouette noire et sans visage de Baillehache l’attendait, les bras croisés.
    — Oh, putain, dit le prisonnier.
    — Laissez-nous, dit le bourreau au geôlier.
    L’homme sortit et referma la porte derrière lui. Ils étaient seuls dans une petite salle à peu près vide.
    — Déshabille-toi, ordonna Baillehache.
    — Hein ? Mais je croyais que… les chaînes, ils me les ont enlevées. Je ne suis pas libre ?
    — J’ai dit : déshabille-toi. N’attends pas que j’aille t’aider. Firmin geignit et obéit maladroitement.
    Il avait maigri et les rhumatismes commençaient à lui grignoter les articulations, elles qui l’avaient épargné jusque-là. La faute en revenait à ce cachot humide. Derrière sa cagoule, Louis se sentit à nouveau l’enfant de jadis, transi, courbaturé, laissé à sa détresse lors de ses interminables séjours sous les combles de la boulangerie.
    Il observa la charpente un peu difforme de son père qui avait interrompu son déshabillage pour le regarder avec hésitation. Firmin était laid et sale. Il avait l’air d’une méduse blanchâtre.
    — Complètement, dit encore Baillehache, qui attendait.
    C’était très humiliant, d’autant que le bourreau, lui, était entièrement couvert de son sobre habit noir et qu’une cagoule noire dissimulait son visage.
    Le tortionnaire s’approcha et éloigna le tas de penailles* souillées d’un coup de botte en feutre. Il leva la main pour rassembler sous ses doigts des poils grisâtres qui bouclaient sur la poitrine de l’homme et les arracha.
    — Aïe ! Mais qu’est-ce que vous faites ? Vous êtes fou ?
    Firmin se mit à reculer, mais Baillehache le suivit et le coinça entre lui-même et le mur afin de poursuivre cette tâche cruelle. Firmin hurlait. Il semblait que des mains pullulaient partout sur son corps comme de gros insectes voraces qui ne cherchaient qu’à se repaître de ses poils.
    — Nous n’y arriverons jamais comme ça, n’est-ce pas ? dit Baillehache de sa voix calme, très aimable, à donner le frisson. Il se détourna et laissa Firmin reprendre son souffle.
    — Pourquoi vous me faites ça, merde ?
    — Tu es trop velu. C’est dégoûtant. Il faut que tu sois complètement nu. Tu aimes bien trinquer, toi, non ?
    Le bourreau revenait avec un petit flacon d’eau-de-vie qu’il lui tendait.
    — Ah ! bon sang, si j’aime ça ! J’ai très faim et très soif, mais un bon coup, ça se refuse pas. Merci. Grand merci. Je me disais bien que vous pouviez pas être un si mauvais bougre.
    — N’y touche pas. C’est moi qui l’offre, dit Baillehache, dont la main tenant le flacon se rétracta.
    Il souleva très légèrement sa cagoule pour en boire un peu, ce qui découvrit son menton et sa bouche. Cela fit sourire Firmin.
    — À la tienne, dit le bourreau.
    Et il déversa brusquement le contenu du flacon sur la poitrine du prisonnier.
    — Hé, mais qu’est-ce que…
    Il ne remarqua la brindille enflammée dans l’autre main du tortionnaire que lorsqu’elle lui fut lancée d’un geste léger. Des flammes bleutées s’élevèrent de la poitrine et des aines en produisant un petit pouf ! Firmin hurla et se jeta instinctivement à terre au moment où les flammes s’éteignaient déjà d’elles-mêmes.
    — Voilà qui est mieux. Ça empeste le cochon brûlé, mais au moins c’est plus rapide, dit Baillehache qui regardait l’homme couché à ses pieds.
    La plupart des poils avaient disparu en laissant des croûtes noires contre la peau luisante et rougie.
    — Debout, dit Baillehache dont le ton neutre ne laissait rien transparaître de l’excitation qu’il éprouvait.
    Firmin avait peur. Il souffrait et se tortillait à ses pieds. Il n’était qu’un rat. Enfin. Terrifié, immobile, il leva sur son tourmenteur des yeux exorbités. Le géant se pencha et le souleva par l’aisselle.
    — Allez. Tiens-toi droit et ne bouge pas.
    — Qu’est-ce que vous me voulez ? Dites-le-moi. Dites-le-moi enfin, que je sache pourquoi vous me faites tout ça.
    — Silence, dit le bourreau, qui avait remplacé son flacon vide par une canne

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