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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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mon beau maître, je vous en conjure. Épargnez-moi et je ferai tout ce que vous voudrez. Tout.
    — Éloigne-toi. Ne me touche pas, dit la voix glaciale de l’homme qui saisit ses poignets temporairement libres et la força à reculer.
    Sanglotante et résignée, Desdémone se laissa attacher face contre le banc.
    — Cent coups, annonça le tortionnaire d’une voix forte.
    S’adressant à la femme, il ajouta, dans un murmure :
    — Juste assez pour te souvenir.
    Il ne laissa pas le temps à Desdémone d’absorber la nouvelle, ni de comprendre ce qu’il avait voulu dire. Il se planta solidement derrière elle, les jambes légèrement écartées, et leva le bras. Dès le premier claquement, elle hurla. Elle eut l’impression qu’un faucon venait de refermer ses serres dans son dos et s’en allait avec un lambeau de chair entre ses griffes. Pourtant elle ne saignait pas. D’abord, la peau se décolora comme si le flux de sang se retirait de la zone frappée, mais bien vite des tavelures sombres y firent leur apparition. Les coups plurent à un rythme cruellement accéléré qui ne laissait à la malheureuse aucun répit. Certains des spectateurs qui comptaient tout haut perdirent le compte avant le vingtième coup. Mais il semblait bien que Baillehache, lui, ne le perdait pas. Il paraissait infatigable, et son trente-cinquième coup fut aussi efficacement porté que son premier.
    — Vas-y, bourrel, frappe au cul, cria quelqu’un par-dessus les acclamations.
    Les hurlements de Desdémone ne discontinuaient pas et, lorsqu’ils commencèrent à faiblir, vers la cinquantaine, le fouet changea brusquement de main sans ralentir son rythme. Baillehache continua à frapper de la main gauche, mais avec une étrange maladresse, car les coups ne perdaient rien de leur précision. Les cris de la femme reprirent de plus belle. Il avait découvert à ses débuts que, parvenue à des stades variables de leur châtiment, la sensibilité des condamnés s’émoussait graduellement. Peut-être était-ce dû à l’effusion de sang, aux défenses naturelles du corps ou à la désorganisation des terminaisons nerveuses. Sa gaucherie de débutant avait fait en sorte que ses premiers châtiments avaient été plus redoutables que les suivants, lorsqu’il eut acquis davantage de dextérité. Il avait donc révisé sa technique en conséquence. C’était d’une efficacité démoniaque.
    Au soixante-cinquième coup, Desdémone saignait. Au quatre-vingtième, Baillehache dut brièvement interrompre son rythme afin de secouer les lanières visqueuses de son instrument. Mais elle ne perdit pas conscience un seul instant, pas même lorsque l’interminable châtiment s’arrêta enfin.
    Desdémone avait subi l’impact de deux mille sept cents nœuds avant d’être marquée d’une fleur de lys à l’épaule, et Baillehache la raccompagna en lui frottant le dos de sa grande main préalablement trempée dans la saumure, jusqu’à la salle des tortures où l’attendaient Guy et Mathurin qui avaient déjà baissé leurs braies.
    *
    Tout ne se déroulait pas sans heurts pour Baillehache. Un jour où avait été planifiée une triple pendaison de Jacques, il se retrouva seul pour tout régler. Gérard et ses assistants avaient été mandés autre part. S’il se débrouilla comme il put, il y eut du retard, et la foule fut mécontente. Les gens commençaient à remuer et à menacer d’utiliser la corde contre lui s’il ne se hâtait pas, car, à leurs yeux, il ne semblait pas suffisamment empressé de servir son roi.
    — C’est un traître ! crièrent quelques excités.
    Depuis la plate-forme de l’échafaud, Baillehache s’inquiétait. Et si l’un de ces imbéciles s’avisait de monter cette foule agitée et de tout faire rater alors qu’il se trouvait, encore une fois, si près du but ? Il leur fit donc face et dit :
    — Je n’ai que deux mains et je ne peux faire mieux. Calmez-vous !
    Un jeune homme, qui se trouvait tout près, répliqua :
    — Tu peux trouver toute l’aide dont tu as besoin ici. Faut qu’on débarrasse le royaume de cette racaille et il n’y a pas un homme dans cette foule qui ne soit prêt à te donner un coup de main.
    — Ouais, bien dit ! cria quelqu’un.
    Tout le monde acclama ces mots, et pourtant Baillehache se rendit compte que ceux qui se tenaient tout près de l’échafaud commençaient à reculer discrètement. Cela lui donna une idée. Il se pencha et tendit la main au

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