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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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soutiens.
    — Ouais, ça va aller.
    Firmin sentit bientôt un changement d’atmosphère et un léger froufrou, qui tous deux suggéraient la présence de plusieurs personnes dans une salle. Baillehache lui lia les mains derrière le dos et dit :
    — Je vais devoir te laisser, maintenant. Il faut que tu restes debout, d’accord ? Attends qu’ils t’accordent la permission de t’asseoir, sinon ils m’obligeront à te fouetter.
    — Compris, dit Firmin, que la perspective n’inquiétait pas outre mesure. Le seul fait d’avoir été libéré de ses chaînes le soulageait d’un poids considérable que son affaiblissement avait amplifié. Rester debout pour la durée d’un interrogatoire de routine, ce n’était rien de très pénible.
    Mais des heures semblèrent passer avant que quelqu’un ne se décide enfin à parler. C’était un homme.
    — Firmin Ruest, est-il vrai que tu as fourni gratuitement du pain de tes fournées aux paysans qui ont osé se rebeller contre l’autorité bénie du régent ?
    — Oui, j’ai fait ça et je le regrette amèrement
    — Combien en as-tu fourni ?
    — Bonne question. Euh… pour vous dire franchement, je n’ai pas vraiment compté, dans le feu de l’action comme j’étais…
    — Combien ?
    — Attendez voir, que j’y pense. Ce n’est pas facile, ce que vous me demandez là. Pendant deux ou trois semaines, je dirais. Du pain de Chailly, surtout, et un peu de Gonesse.
    — Tous les jours ?
    — Tous les jours pendant ces deux ou trois semaines.
    — Pourtant, on nous a certifié que vous étiez absent de la boulangerie pendant toute la durée de la révolte. Vous n’avez donc pu leur fournir du pain si vous étiez déjà en leur compagnie, et votre famille ne fait pas partie des suspects. Pendant combien de temps avez-vous fourni du pain aux rebelles, Firmin Ruest ?
    — Je vous l’ai dit, que je ne savais plus exactement combien de temps. Il se peut que c’ait été pendant plus longtemps. Je leur ai donné la moitié de mes fournées.
    Il y eut des bruits de pas, et une porte fut refermée. Puis le silence. Pendant un très long moment.
    — Il y a quelqu’un ? Ho ! Où êtes-vous passés ? C’est que je commence à me fatiguer, moi.
    — Reste tranquille, dit la voix lointaine de Baillehache. Des heures passèrent encore. Du moins le crut-il. Firmin commençait à avoir mal aux jambes et avait besoin d’uriner.
    — Baillehache, vous êtes là ?
    Personne ne répondit. Quand, beaucoup plus tard, il se mit à chanceler, il entendit des pas s’approcher.
    — Qui est là ?
    Pas de réponse.
    — S’il vous plaît. J’ai besoin de dormir et les jambes m’élancent. Où sont-ils allés ?
    Firmin se mit à pleurer. Une tache humide apparut sur sa cagoule, vis-à-vis de son nez. Il remarqua que des bruits discrets se manifestaient à intervalles réguliers mais très espacés. Ils se relayaient pour le surveiller.
    Mais lui devait rester là. Et il se battait contre son propre corps, contre cette souffrance qu’il s’infligeait à lui-même et dont il ne comprenait pas la raison. Il se mit à supplier même si, peut-être, aucun oppresseur ne se trouvait là pour l’entendre :
    — Je vous en prie. J’ai tout avoué au meilleur de mon souvenir. Qu’y aurait-il d’autre à dire ? Laissez-moi me reposer.
    Une porte s’ouvrit.
    — Ils ne sont pas contents.
    — Baillehache ! Enfin. Quoi ? Mais que leur faut-il ?
    — Ils disent que tu n’as fait que répéter des choses qu’ils savaient déjà. Ils veulent des noms.
    — Des noms ? Mais je n’en ai pas, moi. J’étais avec eux comme ça, c’est tout. Et, en plus, ce n’étaient jamais les mêmes d’un jour à l’autre.
    — Je sais bien. Mais ils ne te croient pas. Ils soupçonnent que tu en sais davantage. Il faut tout leur dire, Firmin. Donne-leur des noms.
    — Puisque je vous dis que je n’en connais pas ! Au nom du Christ, non, ne partez pas !
    Son corps tout entier pleurait en réclamant du soulagement et suppliait son esprit de céder. Mais céder à quoi ? Il était tout simplement debout. Personne ne le touchait. Il ne résistait pas à l’interrogatoire, il n’y avait pas d’interrogatoire. Il lui fallait trouver quelque chose. N’importe quoi.
    Et Firmin, déjà rabaissé et humilié dans tout son être, se voyait trahi par ses propres muscles. Il découvrait que même une chose normale comme le fait de se tenir debout pouvait

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