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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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trousseau de clefs. L’homme qui le tenait était Etienne Marcel, le prévôt des marchands. Puisqu’il était désormais impopulaire auprès des habitants de sa propre cité qui lui manifestaient ouvertement leur hostilité – même l’un des échevins de la ville, Jean Maillart, l’avait fait : il s’était querellé avec lui le jour même – l’ultime espoir du prévôt était de se tourner vers le roi de Navarre avant que cette situation ne le mette en brouille avec lui. Et, pour que cela puisse se produire, il ne lui restait plus qu’une seule chose à faire.
    Les échevins qui avaient toujours été consultés pour les projets audacieux du prévôt, y compris le meurtre des deux maréchaux, ne l’avaient pas été pour celui qu’il avait en tête cette nuit-là. Il lui fallait donc se hâter.
    Le prévôt s’apprêtait à livrer la ville qu’il chérissait et qu’il avait lui-même mise en état de se défendre. Avant de disparaître de nouveau derrière son écrin de nuages argentés, la lune lui montra les murailles qu’il avait bâties. C’était comme un reproche,
    Il devait profiter de la noirceur pour se remettre à courir. Le temps pressait. Mais enfin il arrivait à destination. Les clefs réapparurent dans la main de l’homme lorsqu’il parvint à la porte de la bastille Saint-Denis.
    — Etienne, cher Etienne. Que faites-vous donc ici à noqueter ?
    Le prévôt sursauta et les clefs lui échappèrent. Deux autres hommes s’avancèrent par-derrière lui et Marcel put distinguer des gens d’armes venus de la porte Saint-Antoine qui se déployaient tout autour. Il répondit :
    — Qui va là ? C’est vous, Maillart ?
    — Bien deviné. Vous avez bon œil, même de nuit.
    — Vous devriez donc vous douter un peu que je suis ici pour prendre garde de la ville dont j’ai le gouvernement.
    Les deux autres hommes ricanèrent. Etienne les reconnut. Il s’agissait de Pépin des Essarts et de Jean de Charny, les chefs du parti du dauphin. Maillart dit :
    — À pareille heure, et avec les clefs de la ville dans les mains ? Par Dieu, Marcel, me croiriez-vous simple d’esprit ?
    Et, prenant ses compagnons à témoin :
    — Oyez, les gars. Il s’en venait trahir la ville. Il s’apprêtait à ouvrir tout grand les portes au Navarrais ! Le prévôt s’avança et dit :
    — Vous mentez. Prouvez-le.
    Ce fut à ce moment que d’autres hommes apparurent et tentèrent de prendre les gens d’armes du dauphin à revers. Maillait hurla :
    — Qu’ai-je besoin de le prouver ! Nous l’avons, notre réponse. Traître ! À mort !
    Les hommes des deux partis s’affrontèrent en une échauffourée des plus confuses. Des lames brillèrent et produisirent des étincelles en se heurtant. Des corps tombèrent. Etienne Marcel s’accroupit dans un coin et tenta de se fondre dans la pénombre pendant que Maillart était occupé avec l’un des Navarrais. Il s’éloigna à croupetons le long du mur sans être remarqué, grâce aux buissons qui croissaient tout près.
    Soudain, les épées s’allumèrent au clair de lune. Marcel put se rendre compte que personne ne semblait s’être détaché de la bagarre. Mais la lune risquait de le dévoiler, lui. Il se redressa et tourna le dos à l’escarmouche. Il devait fuir au plus vite.
    Une hache venue de nulle part s’abattit et lui fendit le crâne. Les clefs tintèrent en tombant près des buissons, où elles furent promptement ramassées. Le roi de Navarre ne devint pas maître de la ville, cette nuit-là. Les Jacques et les Navarrais emprisonnés demeurèrent dans leur geôle.
    *
    — Que t’arrive-t-il ? Tu ne manges pas ?
    Baillehache regardait la grosse miche de malicet* qui était demeurée intacte. Elle se trouvait presque à la portée du prisonnier. Même entravé, Firmin n’aurait eu qu’à s’étirer pour y mordre. Mais s’il l’avait fait, le piquet sur lequel le pain était planté lui aurait transpercé la gorge.
    — Tu es très ingrat d’avoir dédaigné mon présent. J’ai payé ce pain fort cher. Serais-tu malade ?
    — Oui, je suis malade. Mais qu’importe. Vous êtes là. Je croyais que vous m’aviez oublié.
    — Je ne t’ai pas oublié, Firmin. Je n’oublie jamais.
    — S’il vous plaît, pourriez-vous tenir le pain que je puisse en manger un peu ?
    Baillehache le prit et le tâta avant de hausser les épaules et de le jeter par terre. Il roula parmi les immondices, et Firmin se tendit

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