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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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entraîner de la souffrance si elle était prolongée trop longtemps.
    Il resta debout un jour entier, et Baillehache ne revint pas.
    Il avait complètement oublié la requête de son bourreau. Il essaya bien de justifier ces actes en se réfugiant dans la raison. Il s’efforça de comprendre ses persécuteurs. Tout cela en vain. Ce qu’il découvrit ne fut qu’une source de tourments additionnels. Toutes ces tortures étaient sans objet. « Je lui ai pourtant dit que je voulais l’aider », ne cessait-il de se répéter dans sa détresse.
    — Baillehache, sale bâtard ! cria-t-il plusieurs fois à l’intention de son tortionnaire absent.
    Il ressentait l’envie irrépressible de le revoir, non pas pour lui faire regretter de l’avoir abandonné, mais pour une raison qu’il ne pouvait clairement définir.
    Le bourreau revint, une éternité plus tard.
    — Allons, Firmin, du calme. On va y arriver.
    Ce fut à ce moment-là que Firmin se rendit compte qu’il n’avait cessé de crier des injures.
    — As-tu des noms ? demanda Baillehache.
    — Des noms ?
    — Ton obstination n’est vraiment pas raisonnable. Aurais-je donc intercédé en ta faveur pour rien ?
    — Non ! C’est juste que… j’ai oublié qu’il me fallait trouver des noms, dit le vieillard piteux. Je suis tellement fatigué et j’ai les jambes en feu. Mais je vais y penser, maintenant, promis. Ne soyez pas fâché après moi, je vous en conjure. S’il fallait que je vous perde, vous aussi…
    — Je ne suis pas fâché, Firmin. Je ne fais que mon devoir, dit Baillehache tristement.
    Il le laissa à nouveau seul.
    Louis avait pu constater avec satisfaction que les chevilles et les pieds du captif avaient presque doublé de volume. La peau était tendue à l’extrême et de longues ampoules s’y étaient formées. Certaines avaient éclaté et exsudaient un sérum aqueux. Des tremblements les parcouraient. Elles ressemblaient à deux branches noueuses suintantes de sève. L’œdème était sur le point d’atteindre les cuisses.
    Quelque chose lui effleura la gorge. Pris de panique, Firmin égrena une suite de cris brefs, curieusement sans bouger de sa place.
    — C’est moi, Firmin. Du calme, dit la voix bienveillante de Baillehache.
    — J’ai peur. J’ai peur. Par pitié, aidez-moi !
    — Je sais. Ton cœur bat très vite. L’accumulation de liquide dans tes jambes altère la circulation.
    — Du liquide ? Je ne comprends pas.
    — Ne t’inquiète pas, c’est normal. Nomme-nous tes complices, Firmin. Cesse donc de te faire du mal et libère ta conscience. Parle, et tu seras soigné.
    — Des complices ?
    — À qui as-tu donné du pain ?
    — Je me trouve mal.
    Le vieil homme lui tomba dans les bras. Refrénant avec peine son dégoût, Baillehache le retint à la verticale et leva les yeux sur le magistrat et le clerc qui s’étaient installés devant eux. Ça n’allait plus tarder, désormais. « Les reins sont en train de lâcher. Il s’empoisonne avec son propre venin », se dit-il {178}
    Il lui administra quelques petites tapes dans la figure. Firmin se ranima à demi en marmonnant des choses sans queue ni tête.
    — Réveille-toi, Firmin.
    — Salut, l’ami. C’est toi qui m’as trouvé à la taverne, hein ? Je pense que je me suis perdu.
    — Ce n’est pas grave. Te souviens-tu des paysans à qui tu as donné du pain ?
    — Si je m’en souviens ! De vrais potes. Mais il y en avait un qui chantait drôlement mal. Il faussait comme un poêlon fêlé. Je crois que je suis saoul. Il fait noir. Mais qu’est-ce qu’il fout, le Ratier, qui n’arrive pas avec l’esconse* ? Attends un peu que je lui mette la main dessus, ce petit sot.
    — Il n’y a pas de Ratier ici, Firmin. Allez, calme-toi. Comment s’appelaient tes amis ?
    — J’ai promis de garder ça pour moi.
    — Allons, allons, tu sais bien qu’à moi tu peux tout dire. Je suis ton ami.
    — Ça, c’est vrai. Attendez un peu que je réfléchisse. Ah oui, ça me revient maintenant. Mais, bon sang, où avais-je donc la tête ? Un grand homme, Etienne Marcel.
    — As-tu aidé Etienne Marcel, Firmin ?
    — Hein ? Ah… oui, vous pensez bien que oui.
    — Comment ? En fournissant du pain à ses gens ?
    Le ton de voix du bourreau changea imperceptiblement, comme s’il se retenait de manifester de la joie. « Pauvre type, se dit Firmin, il doit lui aussi être bien fatigué. » Il ne savait plus exactement

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