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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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de plancher dans la maison silencieuse évoquait celui des cordes au bout desquelles se balançaient les dépouilles lugubres qui avaient été des êtres humains. Parfois, il croyait encore entendre le croassement des corbeaux et étouffer sous l’horrible puanteur que cet endroit dégageait.
    Les leçons de Firmin étaient aussi redoutables que l’avaient été ses soins.
    — Si tu dis n’importe quoi, il va aussi te foutre la raclée de ta vie avec un bâton tel que tu n’en as jamais vu. Une férule, que ça s’appelle. Crois-moi, ce serait bien pire que tout ce que j’ai pu te faire. Prends garde. Compris ?
    — O… oui, Père.
    Le regard de Louis s’éteignit et redevint fuyant.
    « Voilà. Plus de risque de ce côté », se dit Firmin avec satisfaction.
    *
    L’étroit réduit où Firmin était agenouillé sentait bon la cire d’abeille. La pénombre qui y régnait se voulait rassurante pour le pénitent abrité par ses murs de bois verni. Cependant, le boulanger fut incapable d’y trouver même un semblant de réconfort. Comparativement au sanctuaire familier de sa paroisse de Saint-André-des-Arcs, l’église abbatiale avait tout pour intimider. De plus, un visage rond qu’il reconnaissait trop bien se dessinait derrière la grille du confessionnal.
    Antoine était le seul à pouvoir inspirer quelque remords à cet ivrogne incurable. C’était sans doute pour ça qu’il s’était dérangé en personne pour s’occuper de lui. Le boulanger baissa honteusement la tête.
    — Je bois trop, mon père. Vous avez raison. Et, quand je suis saoul, la rage me prend. C’est plus fort que moi.
    — Un repentir sincère efface la faute. Tu le sais, cela, n’est-ce pas ?
    — Mais je me repens ! Je me repens sans cesse : avec vous, avec elle, même à la taverne, quand j’y reste trop longtemps. Et je mortifie ma chair… enfin j’essaie.
    — Ce n’est pas assez, puisque tu retombes toujours dans les mêmes excès. Je n’ai rien contre des mesures de discipline raisonnables. C’est un mal nécessaire. Mais tu ne te repens pas, Firmin. Tu connais le proverbe aussi bien que moi : « Fèves* et forniers* boivent volontiers. » L’ivrognerie est un péché grave, très grave.
    Antoine ne contestait pas à Firmin son autorité paternelle, qui lui attribuait le droit de corriger les errements. La coutume d’Amiens {16} était formelle à ce sujet : seuls les cas de mort d’enfant ou de blessures graves obligeaient les parents à répondre de leurs actes devant la justice. Et il savait Firmin trop finaud pour atteindre cette limite. Pourtant, comme il aurait aimé pouvoir le prendre à son propre piège. Le droit canonique imposait une obligation alimentaire ; Firmin nourrissait sa famille, sinon convenablement, du moins suffisamment pour assurer sa survie. Il lui fournissait également le strict nécessaire en matière d’entretien. Tout le reste était dilapidé. L’abbé avait mûrement réfléchi à son affaire. Il était un secteur crucial que Firmin avait peut-être involontairement négligé.
    Un silence lourd tomba sur eux, et le confesseur le laissa se charger comme un ciel annonçant l’orage. Firmin attendit, de plus en plus nerveux, tandis que l’abbé entretenait soigneusement cette tension grandissante chez son pénitent. Il fit gronder un premier éclair lointain :
    — Où est ton fils ?
    Firmin leva craintivement la tête, l’attention détournée de son habituel chapelet d’excuses, qu’il n’eut pas le temps de servir cette fois-ci. Antoine sut dès lors qu’il l’avait bien en main.
    — Je lui ai dit d’attendre dans la cour, répondit le boulanger.
    — C’est bon.
    — Il… euh… réclame sa mère.
    — Ne me dis pas que tu t’en soucies, maintenant. L’enfant peut attendre un peu, car j’ai à te parler. Tu peux remercier ton épouse. Sans elle, tu serais banni de la guilde.
    — Alors là, je trouve que vous y allez un peu fort, mon père. J’aurais pu devenir l’un des boulangers du roi.
    — Tu aurais pu, oui. Et il te ressemble fort d’utiliser ce regret-là pour rendre tes péchés plus acceptables.
    — Euh… et de toute façon ma femme ne peut rien faire sans moi.
    — C’est vrai. C’est vrai et c’est là un fait déplorable, tu peux m’en croire. Mais nous ne sommes pas ici pour discuter performances et lois. Qu’est-ce qui ne va pas, cette fois-ci ?
    — Bien, il y a que je suis désappointé.
    — Je conçois

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