Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
son propre atelier, mais Adélie n’osa pas le rappeler à l’ordre.
    — Va me quérir ce que tu caches autre part, dit-il.
    — Je ne garde pas d’autre argent, Firmin. Il n’y avait que cette pièce.
    — Tu mens, femme. Fais vite ou je vais me fâcher !
    Le poing charnu de l’homme se ferma sur la piécette.
    Adélie ne put s’empêcher d’évoquer les pensées qu’elle avait eues plus tôt au sujet de son fils : « Après tout, tant mieux s’il devient un adversaire. Je suis bien contente. J’ai hâte du jour où il deviendra un vrai apprenti. Loin de notre misère et de toi… »
    — Tu as entendu ce que je viens de dire ? dit Firmin brutalement, interrompant cette rêverie à peine ébauchée.
    — N… non, je suis désolée.
    — Dis donc, tu ne comprends rien, toi ?
    Il se rapprocha avec sa grimace des mauvais jours. Adélie dit :
    — C’est que… j’ai un peu mal au cœur, et…
    — Encore ? Tu as toujours mal au cœur !
    Il la gifla.
    — Je t’ai demandé où est l’argent. Tu en planques, pardieu ! Ça, je le sais, et j’en ai besoin.
    — Tout est là, dans le pot.
    Il n’y avait rien à faire : nulle cachette d’urgence, si minuscule fût-elle, à lui dévoiler afin d’échapper à ce nouvel accès de rage. Il ne restait pas même un demi-gobelet de clairet pour faire diversion. Résignée, elle attendit donc, le dos tourné vers lui.
    — Menteries ! Toujours des menteries !
    Il se mit à frapper sa femme pour ne s’arrêter que lorsqu’elle tomba à ses pieds en vomissant un peu de bile transparente.
    — Et tu renvoies partout, en plus. Tu me dégoûtes.
    Furieux, il s’en alla fouiller la chambre. Il revint bredouille et à bout de souffle. Adélie s’était relevée. Dans l’écuelle, la tranche de pain ressemblait à une tête d’elfe qui, à cause des stigmates creusés par ses doigts, la dévisageait malicieusement. Elle s’écrasa davantage sous la poitrine de la pauvre femme, et l’écuelle roula par terre : un coup de poing porté entre les omoplates lui avait vidé les poumons. Ni elle ni Firmin n’entendirent la porte s’ouvrir. Une grêle de coups s’abattait au hasard sur la malheureuse, partout où son mari pouvait l’atteindre. La coiffe blanche glissa et tomba discrètement entre eux comme une petite bête morte. Adélie s’effondra encore aux pieds de la brute en faisant de son mieux pour retenir ses gémissements. Cette fois, elle ne se releva pas.
    — Non ! cria Louis, qui s’interposa et reçut les coups à sa place, triste paquet d’humanité offert à la vindicte du pater familias.
    — Parle, sale ribaude ! Où l’as-tu mis ? cria Firmin en se penchant sur sa proie.
    Un filet de salive lui coula du menton pour aller se perdre dans la chevelure mate de la femme à demi consciente. Haletant, comprenant enfin ce que son père demandait, Louis s’empara de la bourse qu’il rapportait et voulut la lancer à ses pieds. Mais l’homme ne se souciait que d’Adélie, à qui il empoignait les cheveux pour la secouer. Louis défit les cordons de la bourse et projeta une pleine poignée de monnaie en direction de son père.
    — Tenez ! Tenez !
    Cela produisit l’effet escompté, du moins pour un moment. Sans lâcher sa prise immobile, Firmin se tourna vers son fils. Louis, sans lever les yeux ni oser parler, lui montra la bourse ouverte qui contenait encore des pièces. Il put voir que le visage de sa mère avait été hypocritement épargné. De cela, l’ivrogne prenait toujours bien garde avec eux.
    — Ce que tu ramènes n’empêche pas ta folle de mère d’être une menteuse, dit-il. Apporte-moi ça ici. Ici, je te dis !
    Louis allongea le bras vers lui et lui mit la bourse dans la main gauche.
    — Et ramasse-moi ce que tu as semé partout. Allez. Je vais t’apprendre à vivre, moi.
    Pendant qu’il regardait Louis s’exécuter, il lâcha Adélie, mais l’empêcha de se relever en posant un pied sur sa poitrine. Une fois la bourse regarnie, il l’agita et dit encore :
    — Quoi, c’est tout ? Avec le temps que ça te prend, tu pourrais au moins la remplir.
    — Pardon, Père.
    — Pardon, pardon, facile à dire, ça… Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire d’un bon à rien comme toi, hein ? Louis baissa honteusement la tête.
    — De quoi avez-vous parlé, tous les deux, pendant mon absence ? Du moine ?
    — Non, Père, dit Louis, qui regarda sa mère sans comprendre. D’un

Weitere Kostenlose Bücher