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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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grains et de les étuver avant de les moudre. Un bon meunier doit savoir fabriquer des mélanges dont l’apport est avantageux pour le peuple et être capable de bien conserver ses farines. Et encore, ce n’est pas tout…
    Tout en prêtant l’oreille aux propos du meunier, Louis l’aidait à manipuler les sacs. Il était fasciné par l’ingénieux mécanisme du moulin et le processus de transformation sophistiqué sans lequel le métier de boulanger n’aurait jamais pu prospérer.
    Un mouvement derrière lui le fit se retourner. Églantine se tenait sur le seuil de la minoterie et le dévisageait. La brise agitait ses jupes et quelques boucles folâtres qui s’étaient libérées de sa longue natte.
    — Ce n’est pas un métier facile, petit, quoi que puissent en dire les mauvaises langues, disait Bonnefoy. Je dois veiller à ne jamais laisser mes meules tourner à vide. Pas même à la fonte des neiges lorsque tous les moulins hydrauliques fonctionnent à plein régime jour et nuit et que je dois me faire une couche sous l’escalier, sur l’une des passerelles d’en bas, le plus près possible des meules.
    Louis ne se rendit pas compte qu’il s’était mis à dévisager Églantine à son tour. Il tenait devant lui un sac qu’il s’apprêtait à soulever à deux mains par son ouverture tortillée. Sa tunique s’était graduellement parée, au niveau du dos et de la poitrine, de deux pennons sombres produits par la transpiration. Bonnefoy disait encore :
    — Il faut avoir du grain à moudre, sinon c’est la catastrophe. Autrement, les meules se brisent et ensuite le système entier d’engrenage s’en trouve endommagé. Les grains sont la nourriture du moulin. Ils agissent comme lubrifiant. Ça ne t’intéresse pas du tout, ce que je raconte.
    — Si, si… Excusez-moi, dit Louis, qui s’empressa de ranger son sac dans le coin qui lui était destiné.
    Lorsqu’il se retourna de nouveau vers la porte, la blonde Églantine avait disparu.
    Bonnefoy eut une quinte de toux. Il alla ouvrir une fenêtre et se pencha à l’extérieur pour cracher. Louis l’entendit crier :
    — Eh, Edmonde, tu veux bien m’enlever cette grosse abrutie d’oie de ma ligne de tir ? Mais qu’est-ce qu’elle fout là, au beau milieu de la passerelle ? Un peu plus et mon crachat lui tombait sur le bec.
    Il revint vers Louis en s’essuyant la moustache à l’aide d’un mouchoir.
    — C’est de famille, cette toux, dit-il. On finit tous par l’attraper tôt ou tard et après, plus moyen de s’en débarrasser {43} .
    Effectivement, l’atmosphère du moulin, saturée de bruits et de poussière de farine, chargée de l’odeur des grains moulus, était difficile à supporter à la longue. Les particules en suspension faisaient tousser et desséchaient la gorge. Mieux valait qu’on s’y habitue jeune. Bonnefoy poursuivait.
    — Ce n’est pas pour rien que ta famille fait commerce avec la mienne depuis longtemps. Les moulins à rotation un peu forte comme le mien font de la meilleure farine. Les meules affleurent mieux le blé, le mouvement dilate mieux la farine et en nettoie mieux le son que les moulins faibles. En outre, je produis du son si doux et un gruau si sec que même un noble à l’estomac fragile pourrait les digérer sans malaise.
    Il rit et se servit un peu de petite bière pour s’éclaircir la gorge.
    — Tu en veux ? Sers-toi. Reposons-nous un brin.
    — Merci.
    Ils prirent place sur un coffre pour siroter leur breuvage.
    — Tu sais que tu me plais bien, jeune Ruest. Mais, plus je te regarde, moins je trouve que tu ressembles à ton père.
    — Tant mieux.
    Louis se rembrunit et le meunier se tut. Il venait de commettre une bévue, sans savoir laquelle. Il se racla la gorge et dit, afin de détourner autant sa propre attention que celle de son client vers un sujet moins délicat :
    — Tu vois les vannes, juste là ? C’est pour éviter que la salle des meules soit inondée quand il pleut à verse et que la Seine en devient impétueuse. On doit avoir l’œil à tout, depuis l’eau jusqu’au feu. Tu sais comme moi que notre marchandise, même si elle est entreposée dans un espace bien aéré, peut fermenter et prendre feu à la moindre étincelle, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Eh bien, regarde un peu ceci : c’est un frein que j’actionne pour ralentir la rotation des meules si par malheur ça se met à trop chauffer. Plus il fait chaud, plus il nous faut surveiller

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