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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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améliorée : il s’était fait prendre la main dans le sac une fois de trop et on l’avait puni en lui coupant les lèvres. Aubert et Samson, quant à eux, se donnaient un air goguenard avec leurs vêtements disparates qui, s’ils avaient formé un ensemble, auraient peut-être été beaux.
    Depuis trois ans, Louis n’avait pratiquement plus eu besoin de voler. Il lui arrivait pourtant de recourir encore à ses talents, surtout pour se procurer des fruits, qui lui manquaient trop dans une alimentation constituée pour l’essentiel de féculents et de viande.
    — Hé, les gars, si on allait tourmenter un brin les filles ? demanda le petit Samson.
    — Bonne idée. On y va, dit Hugues.
    Les fillettes du quai aux Fleurs qui entaillaient tôt le matin les berges de la Seine constituaient toujours une cible de choix pour une bande de gamins tapageurs. Certaines, plus délurées que les autres, ne rechignaient pas à se laisser bouler jusqu’au secret des buissons pour s’adonner à des jeux délicieusement illicites. Quant aux autres, qui constituaient la grande majorité, les garçons se plaisaient tout autant à leur jouer des tours pendables.
    Ce jour-là, le premier vrai jour de vacances qu’il prenait depuis le décès de sa mère, Louis eut la surprise d’apercevoir Églantine Bonnefoy, la fille du meunier, parmi les fillettes caquetantes qui s’attardaient un peu trop sur la berge. Il prit Hugues à part et lui dit :
    — Tu vois celle qui ne tient aucun bouquet ? Pas touche. Elle est à moi.
    — Ah bon… d’accord, si tu le dis.
    Églantine ne le remarqua pas ; le bavardage de ses amies requérait toute son attention. Sa capeline pendait dans son dos et sa longue natte s’était défaite. Il en profita. Se coulant sans bruit parmi les tiges rébarbatives tandis que tous les autres commençaient à jouer bruyamment, il disparut comme par enchantement.
    Un objet griffu bondit sur la tête d’Églantine et s’y accrocha comme une méchante petite bête. La jeune fille poussa un cri et porta la main à ses cheveux. Ses doigts rencontrèrent une grappe de petites sphères qui s’étaient inextricablement emmêlées dans ses longues mèches. C’étaient des glouterons brunis, ces fruits de la bardane dont les crochets trop entreprenants s’appropriaient tout ce qui avait le malheur de les frôler de trop près.
    Les fillettes entourant Églantine s’égaillèrent en hurlant, et Louis se redressa, tout sourire, alors que l’adolescente se tournait vers lui. Sa main protégeait en vain la masse blonde de ses cheveux.
    — Salut, pimbêche. Je m’en viens voir ton père, dit Louis.
    — Ah non, pas toi !
    — Hélas, si. Et tu ferais bien de te taire, sinon je t’en ferai manger, de ces trucs.
    Il se mit à la poursuivre en la bombardant avec d’autres glouterons jusqu’à ce qu’elle eût atteint la rue, où elle fonça tête première dans une charretée de melons qui se renversa sur elle. Elle fut raccompagnée, en larmes, vers le moulin par les injures du marchand et les vivats de la bande à Hugues.
    Louis attendit plusieurs heures avant de se manifester, un brin de trèfle défraîchi entre les dents, chez le père Bonnefoy.
    — Ça, par exemple, si ce n’est pas le jeune Ruest. Ton père n’est pas avec toi ? demanda le meunier, un peu étonné.
    — Pas cette fois, maître. Il a à faire.
    — Très bien, très bien. Allez, entre, je vais te montrer où poser tes affaires.
    — Je n’ai rien apporté.
    — Ah bon, hum…
    — Mon père m’a dit que notre chargement de grains a été livré directement ici.
    — C’est ma foi vrai. Tu es bien informé. Viens un peu par là qu’on aille voir ça.
    Bonnefoy entraîna Louis à l’intérieur du moulin où il haussa le ton.
    — Tu m’excuseras si la maison est un peu sens dessus dessous, hein, c’est que ma femme n’est pas de très bonne humeur. Figure-toi que notre fille nous est arrivée tout à l’heure dans un état lamentable, avec des gafirots* plein les cheveux. Sales gamins. On n’est en sûreté nulle part, de nos jours.
    Louis rit sous cape, même si quelque chose dans ce propos se mit à le déranger.
    Plus tard, lorsqu’ils se rendirent dans la pièce à vivre de l’étage, Louis fit un clin d’œil à une Églantine au visage bouffi de larmes, dont les cheveux avaient été triturés pendant des heures par une servante bougonneuse. De mémoire d’homme, le meunier, tout comme le forgeron,

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