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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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la marelle, dit Églantine.
    — C’est comme vous voulez, dit Louis.
    — Mais c’est un jeu de filles, dit-elle en prenant un air coquin.
    — Ah bon. Je l’ignorais.
    — Quoi ? Ne me dis pas que tu ne connais pas la marelle ? dit l’une des filles.
    — Si, enfin… un peu. J’ai vu des enfants y jouer, mais moi je ne sais pas.
    — Ça alors !
    L’un des garçons fit remarquer :
    — Mais à quoi t’attendais-tu, triple buse ? Il n’a pas à connaître un jeu de filles. La soule*, ça, c’est un vrai jeu. Pas vrai, Louis ? Tu ne dis rien ?
    — Ça me convient, dit-il en haussant les épaules.
    — Tu ne connais pas ça non plus ? Dis donc ! N’avais-tu pas au moins un cerceau ou un esteuf* comme tout le monde ? À quoi joues-tu alors ?
    Vaguement honteux, Louis posa les yeux sur le pion qu’il avait dans la main.
    — Parfois je vais pêcher des grenouilles du côté d’Arcueil avec la bande. On trouve là-bas un fourré et un beau marais. Lorsque je passe par Vincennes, je vais me plonger dans la Marne. Et il y a ceci, maintenant, dit-il en montrant le jeu du moulin. J’aime bien y jouer.
    — Mais quand tu étais plus petit ?
    — Je… je ne jouais pas, mais c’est pas grave, puisqu’il y avait la boulangerie. Des fois, aussi, j’attrapais des bestioles et je m’amusais avec, pour voir.
    — Tu leur faisais quoi ?
    Il leur expliqua, avec beaucoup de conviction :
    — Je prenais des rats dans le temps. Mais les chiens, c’est bien mieux. Il faut qu’ils me voient venir avec le couteau. Ils le sentent et ils ont très peur. C’est ça qu’il faut. Si on peut en trouver un, je vous montrerai. On aura aussi besoin de poix et d’huile noire.
    — Ah ouais ! s’exclamèrent les adolescents, ravis.
    — Pouah ! Non, je n’y tiens pas. Quelle horreur, dit Églantine.
    Elle frissonna de dégoût.
    L’un des coins du pion avait commencé à produire une écharde, et Louis tirait dessus machinalement avec l’ongle du pouce. Il lui échappa et il se pencha pour le ramasser. Lorsqu’il se redressa, il se cogna la tête contre le plateau de la table. Les pions sursautèrent sur la planche de jeu et Louis reparut en se frottant la tête. Des cheveux raides se hérissèrent entre ses doigts. Les garçons pouffèrent de rire, mais se gardèrent de s’esclaffer comme les filles. Les yeux sombres décochèrent de furieuses flammèches. Mais la joyeuse pagaille qui s’ensuivit empêcha tout incident fâcheux, et les moulins disloqués allèrent se perdre dans l’herbe haute.
    *
    Une fois que l’on s’était un peu éloigné des pales du moulin, la Seine ressemblait à une paisible grand-mère dont les gestes doux astiquaient patiemment sa parure de galets ronds. Le long de la berge que le crépuscule rendait somnolente, un grand adolescent se coulait silencieusement parmi les hautes herbes avec l’agilité d’un félin en chasse. On eût pu le croire impliqué dans un jeu de traque rendu de façon très convaincante. Il s’était fabriqué une fronde rudimentaire avec une retaille de cuir ; elle était déjà armée d’un caillou prêt à lancer. Suivi de loin par un groupe furtif, le garçon rejoignit un repli de terrain où croissaient en rangs serrés des tiges grossières coiffées de leur aigrette argentée comme un plumail* précieux. Sous les pieds nus de l’homme d’armes improvisé, le sol avait la dureté de la tuile. Lui arrivant aux épaules, les tiges murmuraient autour et consentirent à lui servir de cachette. Il y eut un éternuement d’animal. Le groupe s’arrêta. Louis s’abrita derrière l’épais rideau d’herbes. Auparavant, il s’était entièrement frotté avec des fougères afin de couvrir son odeur. En écartant légèrement et très lentement les foins comme des tentures, il l’aperçut de dos. Louis s’avança à peine, sans quitter le couvert où il s’était dissimulé.
    C’était un grand chien brun qui était venu s’abreuver dans une flaque oubliée par la Seine.
    Le chasseur se redressa et son bras tendu au-dessus de sa tête se mit à faire des moulinets. Le chien leva la tête et s’interrogea sur le léger bourdonnement qu’il entendait. L’instant d’après, il gisait, assommé par le caillou.
    Le groupe s’élança à la suite de Louis. Les jeunes, admiratifs, acclamèrent le chasseur et encerclèrent son gibier terrassé.
    — J’espère que ça ne l’a pas tué. Non, ça va, on l’emmène. Il

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