Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
ma mère était là bien avant votre putain !
    — Ta gueule ! Tu vas la fermer !
    — J’ai assez enduré sans rien dire.
    — Et je te défends de manquer de respect à ta belle-mère qui est aussi, au cas où tu l’oublierais, ma femme.
    — Je n’oublie rien. C’est pour cette raison que je ne la respecterai jamais.
    Firmin le gifla et cria :
    — Au moins, respecte-moi ! Tu as peut-être atteint ta majorité, mais je suis et demeure ton père. Ne m’oblige pas encore à te flanquer une raclée.
    Le face à face qui suivit déstabilisa le boulanger. Louis le fixait en silence. C’était comme si son corps, quoique délié, s’était ramassé sur lui-même, prêt à bondir. Tout en lui suggérait déjà la force physique d’un félin à l’affût. Le père tremblait, réduit à l’impuissance, et il se dit avec désolation : « Je ne pourrai plus l’assommer. Je ne pourrai plus. » Louis était devenu un adversaire. Firmin aboya :
    — Va-t’en. Je ne suis plus capable de te supporter. Bon à rien. Fainéant. Non, mais vas-tu t’en aller.
    Louis cilla imperceptiblement, et Firmin réalisa trop tard qu’il venait de commettre une grave erreur.
    — Je n’ai pas voulu dire ça. Mais, bon Dieu, tu me mets hors de moi. Allez, au travail.
    Louis se détourna et, chose étonnante, se remit à sa fournée. D’avoir repris un semblant de contrôle sur cette lave humaine déconcertait Firmin. Mais il n’était plus question de le lâcher. Il dit :
    — Sache, pour ta gouverne, que je n’ai pas encore pris de décision à propos de la boulangerie. Il me tarde d’enseigner le métier aux petits.
    Louis s’était déplacé vers le pétrin vide et écoutait, la tête baissée, les yeux sur les mesures {42} qui interdisaient toute fraude à son père. Firmin continua :
    — Je veux avoir le choix, vois-tu. La boutique m’appartient. À moi et à moi seul. Je ne te fais pas confiance. Tu es trop belliqueux. C’est mauvais pour les affaires. Et tu passes trop de temps à fainéanter au bain.
    Cette dernière accusation était injustifiée et Firmin le savait. Mais il ne pouvait s’empêcher de la porter. Il aima voir le dos voûté de son fils. Louis souleva le lourd pétrin comme s’il s’apprêtait à s’en servir comme massue, mais il se ravisa et laissa l’instrument retomber lourdement au fond de la cuve. Il se tourna vers son père et dit, d’une voix blanche :
    — Très bien. Alors, bonne chance.
    Il se dirigea posément vers la porte.
    — Eh, attends une minute. Où est-ce que tu t’en vas ?
    — Je ne sais pas trop encore. Au bain, peut-être. Ou me trouver quelqu’un à tabasser, faut voir, dit-il, sarcastique.
    — Et le moulin ? Qui va y aller ? Je ne peux pas tout faire.
    Louis haussa les épaules et dit, avant de sortir :
    — Demandez à Amaury. Ou, au pire, à Bertrand.
    *
    Le matin suivant, Hugues fut reçu à la porte de l’étal par Firmin dont le visage luisait de sueur. Une fois ses pains bien couverts, il se chargea de sa hotte. Firmin lui demanda :
    — Dis-moi, tu n’aurais pas vu le Louis hier, par hasard ?
    — Non, maître, je ne l’ai pas vu.
    — Ah. Eh bien, si tu le trouves, tu lui diras que, euh… que j’ai à lui parler, voilà. Tu lui diras ça.
    — Je le lui dirai, maître. Bonne journée.
    Hugues se hâta de tourner le coin de la rue avant de s’appuyer contre un mur et de pouffer de rire. À quelques pas de là, un haleur de fardier rouspétait contre une mégère qui bloquait le passage sous prétexte qu’elle avait échappé l’un des poussins de sa couvée.
    — Qu’est-ce qu’il t’a dit ? demanda Louis qui s’était planté un brin de trèfle entre les dents.
    — Il n’a pas l’air faraud, dis donc ! Veux-tu bien me dire ce que tu lui as fait ?
    — Rien. Je suis parti, c’est tout.
    — Ah ben, ça alors. Tu en as, du cran.
    Ils se mirent en marche en direction de l’île de la Cité.
    — Et que vas-tu faire, maintenant ? demanda le jeune livreur.
    — Je n’en sais rien.
    Mais Hugues se douta que Louis mentait, qu’il savait très bien ce qu’il avait l’intention de faire.
    La bande s’était agrandie au fil du temps, la guerre ayant produit un plus grand nombre de pauvres. Même le doux Sans-Croc en faisait désormais partie depuis qu’on avait mis un terme à son hébergement pour une raison connue de ses seuls ex-bienfaiteurs. L’apparence de la Gargouille ne s’était pas

Weitere Kostenlose Bücher