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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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pierres imposantes, la gisante et la tournante, d’acquisition récente. Chacune pesait une tonne. Le nettoyage s’avérait nécessaire avant le délai normal de deux mois lorsque Bonnefoy s’en était servi pour moudre de l’ail sauvage. Dans ce cas précis, les meules devaient être lavées à grande eau avec une brosse de chiendent. Ce travail exigeait force et dextérité. Bonnefoy et Louis observèrent l’homme qui avait entrepris d’évaluer les points d’usure, toujours inégaux. Il étala de l’ocre rouge sur toute la meule afin d’en repérer les irrégularités plus facilement une fois qu’elles auraient tourné un peu. Il y passa une règle de deux mètres de long et leur désigna les parties décolorées par le frottement qui lui indiquaient les surfaces à niveler. Cela avait l’air si simple. Il se mit au travail. Le moulin était devenu silencieux comme une bête énorme qui acceptait de se laisser docilement soigner.
    Louis écoutait les deux hommes bavarder sans retenue en sa présence, le prenant parfois à partie. Il se sentait des leurs. C’était un sentiment grisant que d’être considéré comme un adulte, un égal. Pour la première fois de sa vie, il se sentait devenir un homme.
    — Saleté de burin. Le manche m’a lâché. Encore heureux que j’aie prévu le coup, dit le rhabilleur.
    Il achevait de creuser les nouvelles stries qui allaient permettre de mieux attaquer le grain. Il vérifia les filières*.
    Bonnefoy fut occupé avec des clients tout le reste de la journée. Des collègues de la guilde étaient également attendus avec leur famille, sans compter que de la parenté allait sans doute arriver à l’improviste pour célébrer la Saint-Martin {44} . Installés à une petite table, si frêle qu’elle en semblait gênée, au pied du muret qui s’étirait depuis le moulin de la rive, quelques invités bavardaient. L’un d’eux suggéra soudain :
    — Il n’y a pas de meilleur endroit pour une bonne partie de moulin. Qu’en dites-vous, Ruest ?
    — Je ne connais pas ce jeu.
    — Si c’est là ton seul empêchement, je puis te l’apprendre.
    — Ah… je veux bien.
    Églantine ricana :
    — Bonne chance, va. S’il est aussi bon professeur que joueur, tes moulins ne vaudront pas mieux que celui du diable.
    — Calomnies, dit le joueur en riant.
    Une planche de jeu fut disposée. Sur le dessus avaient été gravés trois carrés concentriques reliés par une croix. Des cases rondes avaient été prévues pour que chaque joueur y déposât un à un ses neuf pions en alternance. Le but du jeu était de créer un alignement horizontal ou vertical de trois pions appelé moulin. Tout en jouant, il fallait empêcher les autres joueurs d’en faire. Une fois tous les pions posés, on regardait combien de moulins avaient été réussis. Pour chacun, le propriétaire enlevait un des pions de son adversaire. Le professeur expliqua :
    — Mais tu n’as pas le droit d’en retirer d’un moulin déjà réussi. Après cela, on continue le jeu et, avec les segments restants, on essaie de faire d’autres moulins. Chaque nouveau moulin permet d’enlever un pion adverse.
    Louis écoutait attentivement, faisant occasionnellement un signe de tête. C’était tout à fait passionnant et ingénieux de pouvoir s’amuser ainsi avec de simples petits bouts de bois.
    — Il t’est possible de déplacer un moulin existant et de le refaire ailleurs, disait le joueur. Le jeu se terminera si l’un de nous réussit à capturer sept des neuf pions de l’autre. Les copains jouent une variante du jeu qui permet d’ouvrir ou de fermer des moulins, tant que les trois pions sont bien là.
    Deux adolescents vinrent se poster derrière le jeune artisan.
    — Autre variante pour te donner une chance si tu finis par n’avoir plus que trois pions : tu auras le droit de sauter des cases sans suivre les segments. Ça te permettra de faire des moulins en trois coups seulement et de bloquer les miens très rapidement.
    La partie commença entre quatre garçons, incluant Louis. De plus en plus animée, elle commença à recevoir des greffons de spectateurs féminins, si bien qu’Églantine elle-même se résolut à rejoindre le groupe qui entourait la table.
    Louis prit goût à ce jeu dès les premières minutes. Il gagna la partie et céda sa place pour que d’autres puissent aussi jouer.
    — Si on jouait à autre chose ? proposa l’un des garçons après une heure.
    — À

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