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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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depuis son enfance. Il était devenu un être secret, mystérieux et fascinant. S’il permettait à certains de s’approcher, lui restait là où il était et prenait soin de garder ses distances. Il avait édifié autour de lui des remparts que nul encore n’avait osé franchir.
    À l’instar des admirateurs qui reproduisent par-dessus leur identité celle de leur idole, plusieurs garçons se mirent à voir en Louis un modèle à imiter, du moins partiellement. Mais ils se contentèrent d’adopter certains traits physiques sans endosser des comportements extrêmes qui heurtaient un peu trop leur sensibilité. Ils se prirent à comploter des escapades nocturnes ou d’autres activités illicites, des actes que Louis ne commettait sans doute pas lui-même. Néanmoins, dès ce premier soir, certains d’entre eux se mirent inconsciemment à reproduire quelques-uns de ses gestes et même cette façon qu’il avait de fixer ses interlocuteurs. La jeune fille qui avait joint dès le début cette petite clique de durs s’était même mis de la gomme de pin dans les cheveux afin d’avoir comme lui une petite mèche qui retroussait. Mais l’effet ne fut pas le même.
    — Cette maison ressemble à un nid de guêpes que l’on a dérangé, dit la mère Bonnefoy tandis que la salle du rez-de-chaussée était envahie par une bande d’adolescents qui sentaient la fumée. Elle façonnait avec dextérité de minuscules boules de pâte blonde qui allaient devenir l’une des nombreuses friandises offertes aux visiteurs.
    — Moi, je file me changer pour ne pas recevoir notre monde en linge de corps. Ce serait de très mauvais goût, dit le père.
    Trois tabourets reposaient les pattes en l’air sur la table comme de petites bêtes désirant qu’on s’arrête pour leur gratter le ventre.
    — Où est donc passée cette gueuse de chemise ?
    Un tabouret oublié l’attendait pour lui faire un croche-patte.
    — Bon sang de merde !
    La mère Bonnefoy alla se planter en haut de l’escalier, les mains sur les hanches, et ordonna :
    — Edmonde, tu as oublié de me monter cette grosse caisse qui est sur la passerelle. On va l’avoir dans les jambes. Bouge-toi un peu, ma fille. Les gens ne tarderont plus à arriver, maintenant.
    La servante obtempéra et dut s’aplatir contre le mur en planches chaulées pour descendre un escalier envahi par une rangée d’adolescents chantants.
    — N’oublie pas de me rapporter mon pâté et le cruchon de lait qu’on a mis au frais dans la rivière. Miséricorde, et moi qui allais oublier mes beignets.
    — Puis-je vous être utile ? demanda Louis qui s’était glissé près de l’âtre.
    — Non, non, mon garçon. Merci. Bientôt, il va y avoir trop de monde ici. On va se marcher sur les pieds. Églantine ! Églantine !
    — Je suis juste là, Mère.
    — Bien. Écoute. Le souper est bientôt prêt. Thibaut, veux-tu bien me dire ce que tu fabriques ? Sors de cette chambre, enfin ! Lâche mon gâteau, Églantine. Mais dis donc, d’où nous arrives-tu, toi ? J’ai envoyé Edmonde te chercher tout à l’heure. Étiez-vous partis chanter la Marion* ? Il n’y avait pas un chat dans la cour.
    — On est allés se balader, c’est tout.
    — Il y avait un chien dans la cour, dit Louis.
    — Ah bon, dit la mère Bonnefoy distraitement.
    Églantine lança un regard horrifié à Louis, qui souriait innocemment. La mère Bonnefoy dit :
    — Les planchers sont balayés et toutes les paillasses sont déjà bourrées de foin frais. Il n’y aura plus qu’à les installer en haut pour la nuit lorsqu’on aura fini de manger. Il faudra aussi en dérouler ici, sinon nous allons manquer de place. Edmonde, y a-t-il suffisamment de carreaux et de couvertures pour tout le monde ?
    — Oui, m’dame.
    — Il va falloir deux paillasses mises bout à bout pour Louis, dit l’amie à la mèche gominée en poussant Églantine du coude.
    — Très drôle, dit la jeune fille qui s’appropria un beignet endommagé.
    La pâte encore très chaude fondait dans la bouche.
    — S’il n’y a plus de plats à gratter, je m’en vais, dit l’un des cousins d’Églantine. Dites donc, où est passé l’oncle Thibaut ?
    — J’achève de me battre avec ces damnés lacets, voilà où j’en suis, grogna le meunier depuis la chambre.
    Une charrette équipée d’une lanterne descendit sur l’aire de la berge. L’arrière débordait d’enfants et de jeunes gens qui se

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