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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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ce n’est pas vrai.
    — Qu’as-tu donc dit, déjà ?
    Elle fronça les sourcils.
    — Es-tu insouciant à ce point-là ? Je t’ai insulté.
    — Ah, bon.
    — Ce n’était pas vrai.
    — Très aimable. Merci bien, dit-il.
    — Mais toutes ces choses méchantes, pourquoi les fais-tu ? Louis ne s’était pas attendu à une telle question ; le mur de sa forteresse se fissura. Sans même en avoir conscience, Églantine se faufila par la brèche. Il baissa la tête et regarda son gobelet qu’il tenait à deux mains sur ses genoux.
    — Je ne sais pas.
    Il était soudain pris d’un remords des plus incongrus et se demandait pourquoi. Ce n’était après tout qu’un vieux chien errant, déjà à demi crevé de faim. Mais il se sentit soudain indigne de se trouver là, lui, le mauvais garçon, avec ses jeux méchants, dans cette maison où palpitaient avec exubérance une vraie famille unie et son bonheur. Qui était-elle, cette jeune fille pleine de joie de vivre ? Pourquoi se souciait-elle tout à coup de lui ? Ce qui était survenu lors des funérailles de sa mère lui revint en mémoire et il se hâta de regarder ailleurs. Églantine dit doucement :
    — Moi, je crois que je sais. Ta mère te manque, n’est-ce pas ?
    Elle posa la main sur son bras. Le cœur de Louis s’arrêta. Ce fut comme s’il était passé sans transition d’un tourbillon étourdissant à un autre allant en sens contraire.
    — Pourquoi tu me demandes ça ?
    Elle s’émut du trouble qu’elle causait.
    — Je comprends qu’elle te manque, c’est tout. Mais je crois aussi que tu pensais à autre chose, là.
    Pour se rassurer elle-même, elle rit gentiment. Le rire d’Églantine chantait comme un ruisseau de printemps. Le jeune artisan boulanger sourit à son tour et fut tout surpris de ne pouvoir s’en empêcher.
    — Te joindrais-tu à nous, cher Louis ? demanda soudain la mère Bonnefoy en posant une main affectueuse sur l’épaule de l’adolescent qui sursauta.
    — Oh… si. Si, bien sûr, dit-il.
    — À la bonne heure, dit le meunier. Je ne t’oublie pas, Ruest. La commande de Mathieu sera vite faite et, celle de Godard, je la ferai demain. À propos, veux-tu bien me dire à quoi ton père a pensé, de me faire livrer autant d’avoine et d’épeautre ?
    — L’idée est de moi, dit l’adolescent, étourdi par le vin et les émotions, et prenant place à table.
    Églantine, la mine boudeuse, resta derrière et croisa les bras. Edmonde en était à servir le bouillon de porc salé et le boudin blanc.
    — Mais l’avoine est la plus médiocre des céréales panifiables, tu sais cela, n’est-ce pas ? Elle donne une farine grossière, lourde et compacte. Il y a des gens qui n’en cultivent que pour l’élevage de leurs chevaux. Seuls les paysans savent s’en contenter quand ils n’ont plus rien d’autre.
    — Je sais cela, maître, mais j’en ai tout de même acheté parce que son prix n’a pas encore trop monté, et j’ai idée que nous serons bientôt très contents d’en avoir, à cause de la guerre.
    — Voilà qui n’est pas bête, dit Mathieu.
    — J’ai aussi convaincu Père d’investir davantage dans le seigle, dit Louis. À poids égal, le seigle donne plus de farine que le froment.
    Louis avait cru bon utiliser cette farine pauvre en gluten pour confectionner des pains denses qui allaient se conserver longtemps. Rien ne l’empêchait d’associer seigle et froment afin de blanchir la couleur bise de la pâte et d’ainsi l’enrichir de gluten, ce qui allait faciliter la fermentation, avec une quantité réduite de levain. Cette technique produisait de délicieux pains de méteil. Le froment avait beau être le blé-roi, c’était une céréale capricieuse et fragile, donc plus sujette à subir les fluctuations du marché, surtout en temps de guerre.
    — J’admets que c’est là faire preuve de prévoyance. Maintenant, il ne te reste plus qu’à bouleverser les habitudes alimentaires de ta clientèle noble et raffinée.
    — Je n’ai pas dit que j’allais faire ça, dit Louis, maussade.
    Curieusement, il lui déplaisait d’avoir à évoquer des choses qui concernaient sa propre famille. C’était déplacé en ce lieu. Il expliqua néanmoins :
    — Tout notre froment sera réservé à la boutique. Une bonne partie des autres grains est pour ma famille et moi-même. On s’y fait. Les pains de méteil sont aussi bons que les autres si l’on sait bien s’y

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