Le jardin d'Adélie
encore à leur place. Églantine lui caressait les épaules. Elle eut envie de lui dire : « C’est notre amour qui chante », mais elle trouva ces mots trop banals. Elle n’avait pas envie de parler, sans doute parce que lui-même parlait peu. Sans y penser, elle se mettait à son diapason. Ses doigts s’immiscèrent dans l’abondante chevelure de Louis lorsqu’il se pencha pour l’embrasser. Elle sentit une main puissante, une main de boulanger, lui enserrer la nuque. Il la plaqua brutalement contre lui et libéra ses mains qui se mirent à explorer maladroitement sa silhouette que ce contact brusque semblait rendre encore plus frêle, plus désirable. Les doigts menus d’Églantine butinaient ses cheveux et papillonnaient sur sa peau. Ils le firent frissonner de plaisir.
— Tu vois, toi aussi tu sais quoi faire, dit-il tout bas.
Ses mouvements à lui devenaient de plus en plus désordonnés. C’était enivrant. Au fur et à mesure que le couple se goûtait avec plus de convoitise, les caresses devinrent plus audacieuses.
— S’il te plaît, attends, dit-elle soudain, hors d’haleine.
Elle tâcha de ne pas poser les yeux sur le renflement qu’il dévoilait à demi. Il dit :
— Attendre quoi ? J’ai assez attendu.
Elle était plus âgée que lui de deux ans et avait derrière elle l’expérience de quelques flirts sans suite, contrairement à lui qui n’avait jamais rien vécu de tel. Cependant, les gestes de l’adolescent recelaient le ferment d’une virilité dominatrice qui rassurait et angoissait tout à la fois. Il était déconcertant, d’une exquise maladresse que son ardeur rendait un peu brutale. Il manifestait une frénésie charnelle à la fois rustique et divine.
— Non, rien, dit Églantine.
Il l’entraîna vers sa couche en défaisant ses braies. Il entreprit de dénouer le cordon qui fermait l’amigaut* de la robe d’Églantine. Encore une fois, elle l’arrêta d’un geste.
— Louis, nous n’avons pas le droit. Et puis j’ai peur. J’ai entendu des histoires.
Vaguement menaçant, possessif, Louis lui empoigna les cheveux et demeura penché au-dessus d’elle. Son regard de jais s’envenima.
— Ne crains rien. Je suis là. Laisse-toi faire, dit-il.
Elle ne put avoir la certitude que cet aveu avait tisonné chez lui le désir d’une manière à peine supportable. Si elle lui avait demandé d’arrêter, il l’eût sans doute violée. Mais elle ne le lui demanda pas. Elle s’efforça d’oublier le feu dans le tonneau et répondit :
— D’a… d’accord.
Après l’avoir menée à sa couche sur laquelle il la fit s’étendre, il tira sur les cordons de son corsage. Il la dépouilla de ses vêtements par secousses frénétiques et avides tandis qu’elle s’efforçait de communiquer un peu de douceur à ses caresses en soulevant sa tunique à lui, dévoilant son dos courbé au-dessus d’elle. Elle ferma les yeux. Sa bouche entrouverte laissait voir deux dents blanches et brillantes. De longs cils, animés d’une vie propre, semblaient ne s’être posés au bord des paupières que pour qu’on les vît tressaillir sous les assauts de sensations troublantes. Louis se pencha davantage et, sans y réfléchir, y passa la phalange de son index afin de les apaiser. Une main molle se leva et fit un lent mouvement circulaire, comme pour chasser un insecte importun ou bien pour diriger un orchestre symphonique. En retombant, elle accrocha le bras de Louis qui sourit. Les dents légèrement irrégulières de l’adolescent accentuaient son allure de jeune loup.
Louis repoussa leurs penailles*, bisette*, batiste* et coutil* entremêlés. Il lui fallut plusieurs coups de pied pour se débarrasser de ses sabots ombrageux n’appréciant pas le traitement qui leur était imposé. Il s’étendit sur Églantine, l’écrasant de tout son poids au creux de sa paillasse. Sa langue se mit en quête de l’encoche du nombril pendant que sa main remontait le long d’un mollet duveté d’or fin, pour atteindre des boucles courtes qui avaient la blondeur du froment avant la fauchaison. Il la força à tourner la tête et se pencha pour goûter la peau de sa gorge. Églantine gémit de plaisir. Son corps chaud ondulait sous celui de Louis dont les reins s’enflammèrent. Il haletait, son visage niché dans le cou de cygne qu’elle lui offrait. L’ardeur d’Églantine brûlait sa sève. Faire l’amour. Maintenant, ils comprenaient tous deux ce que cela
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