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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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jusque dans la nuque. Regardez donc si j’ai quelque chose, là.
    — Ouais, il y a bien une petite rougeur, confirma la Gargouille après avoir vérifié.
    — Saleté de moustiques.
    — Tu es sûr que tu n’en veux pas un peu ? Tu maigris, depuis quelque temps, il me semble, remarqua Louis qui proposait de nouveau à Samson un quignon de pain entamé.
    — Non, merci. Je sais. C’est arrivé tout d’un coup. Mes braies ne me tiennent plus aux hanches.
    — Elles n’y ont jamais tenu bien longtemps, surtout au bordeau*, dit Aubert.
    — T’es petit du reste, mais pas de là, hein ?
    Ils s’esclaffèrent. Hugues donna une claque amicale dans le dos du nain qui eut un rire contraint. D’habitude, il était le premier à rigoler un bon coup d’une blague grivoise.
    — Dis donc, ça ne va pas du tout, toi.
    Samson commença à s’agiter nerveusement. Enfin il se leva.
    — Je ne sais pas ce que j’ai. Je n’arrive plus à trouver de position confortable.
    — Moi, je crois savoir celle qu’il te faut…
    — Eh… Regardez un peu là-haut, dit Louis d’une voix blanche en pointant le ciel.
    La plaisanterie de Hugues lui resta en travers de la gorge. Un silence rempli d’émoi les pétrifia tous sur place. Dans le firmament qui entretenait avec insouciance les dernières effilochures cuivrées de son couchant, une plume invisible avait tracé un long trait incandescent d’allure malsaine et menaçante. C’était une comète à queue noire comme nul n’en avait jamais vu.
    — Doux Jésus, miséricorde ! s’écria depuis l’autre côté de la rue une commère qui triturait un torchon humide entre ses mains glacées d’angoisse.
    — C’est un mauvais présage. Je n’aime pas ça, dit Aubert tout bas.
    Sans quitter ce phénomène des yeux, Louis se leva lentement.
    — J’ai entendu dire, dit Hugues, que dans les pays d’oc des gens sont morts par milliers. Et, quelque part chez les Sarrasins, la terre a tremblé si fort que cela a fait périr tous les poissons. Il y a eu du vent qui a rougi l’air et jauni les cieux pour engendrer grenouilles et serpents hideux.
    — Mais la ferme avec tes fables ! rugit Louis. On dirait un sort que tu nous jettes. Qui t’a dit que cela viendra jusqu’ici, hein ? De qui le tiens-tu ? De personne. Alors, ta gueule. Il faut qu’on aille aux nouvelles.
    La comète et sa bannière de feu les ensorcelaient. Il leur fallut à tous un certain temps avant de s’apercevoir que le petit Samson, pris de vertige, s’était écroulé au pied du muret.
    — À l’aide, dit-il d’une voix faible.
    Immédiatement, le groupe consterné fit cercle autour du nain recroquevillé qui s’était mis à geindre.
    — Ça me brûle, ah !
    Où as-tu mal ? demanda Hugues qui s’accroupit à côté de lui. Dis-nous où ça te brûle, Samson.
    — À l’entrejambe… Non, ne me touche pas. Ça… ça se déchire !
    — Calme-toi. Cesse de te tortiller ainsi qu’on te retire tes braies. Par le sang Dieu, tu es brûlant de fièvre.
    — Son cœur bat trop vite, dit Louis, qui lui avait involontairement tâté le pouls au niveau du poignet en essayant de l’éloigner du muret.
    Il lui soutenait la tête. Ils parvinrent enfin à lui enlever ses braies. Au niveau de l’aine enflée couverte d’une toison châtain clair, du côté droit, se nichait une petite tumeur.
    — On dirait une châtaigne, dit Hugues, qui n’osait y porter la main.
    Samson haletait.
    — Qu’est-ce que j’ai ? Mais qu’est-ce que c’est que cette saleté ?
    — Mon père a déjà eu une bosse semblable, dit Louis en se penchant pour mieux voir. On lui a préparé un emplâtre fait avec de la mie de pain et du lait. Après deux jours, c’était guéri.
    — Tu as dû attraper ça au bordeau*, Samson. Je t’avais dit de ne point toucher à cette ribaude de Marseille.
    — Voilà où elle te mène, ta boudiné, renchérit Aubert.
    Samson n’écoutait plus. Il n’était plus réceptif qu’à sa panique et à cette souffrance déchaînée qui ne lui laissait soudain plus un seul instant de répit. Alors qu’il aurait voulu hurler, seuls des râlements s’échappaient de sa gorge. Il était vidé de ses forces. Son visage était en train de jaunir et se couvrait de tavelures.
    — Ce n’est pas d’un prêche, dont il a besoin, mais de secours, dit Louis. Cela grossit.
    — Si on y appliquait une compresse chaude ?
    — N’y touchez pas ! hurla Samson.
    Louis

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