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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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voulait dire. C’était une chose qui n’avait attendu qu’eux pour exister.
    La paillasse de Louis s’effondra sous des coups de reins émerveillés ponctués de grognements et de cris, mi-souffrance, mi-extase. Les fantasmes jusque-là imprécis de leur adolescence se concrétisèrent et ils boulèrent dans le foin épars. Fou de désir, Louis la pénétra profondément en réalisant à demi l’offrande qu’elle lui faisait.
    *
    — Tu me donneras du pain et moi, je te donnerai des enfants, dit-elle avec une lueur moqueuse dans ses yeux de myosotis.
    Le monde qui avait basculé reprit sa position d’origine. Ils se séparèrent, à regret. Un peu de sang s’écoula discrètement entre les brins serrés de leur couche parfumée. Il dit :
    — Quelque chose est… sorti de moi. Crois-tu que je t’ai mise enceinte ?
    — Qu’importe, puisque nous allons nous marier.
    Il caressa du bout de l’index la petite rougeur qu’il lui avait faite à la base du cou.
    — Tiens, j’ai baisé. Je suis un boulanger médiocre. Elle sourit affectueusement.
    — C’est faux. Tu es le meilleur. Et moi je veux bien être la pâte que tu pétriras. Un jour, tu garniras même la table du garde des Sceaux ! Tu crois qu’on se verra à la Saint-Honoré {50}  ?
    — Sûrement, oui. Lorsque j’aurai présenté mon chef-d’œuvre et que je serai maître, je donnerai le plus beau banquet que Paris ait jamais vu. Avec du pain de froment pour chacun des convives et des mets épicés et tout. Tous les gloutons de la ville viendront s’empiffrer à mes dépens, et moi, j’aurai plaisir à les regarder. Avec toi à mes côtés.
    — Oui, avec moi à tes côtés.
    — Nous aurons une étagère remplie de toutes les épices d’Orient. Et du sucre. Et des limons*.
    — Je te coudrai des habits de soie.
    — Nous aurons le plus beau jardin du pays. Un vrai grand jardin avec tout ce qu’il faut pour manger et soigner, et des fleurs pour faire joli. Il y aura une fontaine, aussi.
    — Tiens, des fleurs ? dit Églantine, étonnée par cette description poétique venant d’un Louis habituellement si cartésien.
    — Oui. Des fleurs et des arbres…
    L’adolescent cligna des yeux. Il découvrait soudain que ce jardin intérieur qu’il cultivait depuis sa plus tendre enfance était fait pour abriter une femme aimée. Adélie sourit à son fils et caressa les églantines qui poussaient désormais au pied de la fontaine.

Chapitre V
    Mementomori*
    Gênes, été 1347
    Tiki le chien avait perdu son maître. Depuis l’aube, il arpentait les rues encombrées de fêtards dans l’espoir de retrouver parmi eux le marin à qui il appartenait. Mais la partie était loin d’être gagnée pour la pauvre bête. La ville était en liesse. On était enfin parvenu à la débarrasser des troupes tartares du khan Djanibek. Les Génois ne s’étaient pas attendus à recevoir du secours des puissants guerriers mongols dits de la Horde d’or. Ensemble, ils avaient fait place nette et à présent, depuis plusieurs jours, ils célébraient l’événement pêle-mêle avec force libations.
    Les Mongols s’étaient hâtés de jeter les cadavres de l’ennemi vaincu par-dessus les murailles de la ville fortifiée. Car, même morts, ces guerriers les apeurèrent : ils pourrissaient à vue d’œil. C’était comme s’ils lançaient d’outre-tombe une malédiction sur les vivants.
    Le chien du marin contourna un monceau de ces cadavres pour aller se hasarder dans les faubourgs. Un gros rat attira son attention et il le prit en chasse. Mais la bestiole, prudente, se déroba juste à temps. Elle se réfugia dans la casaque d’un mort, et Tiki ne la revit plus.
    Dépité, il passa son chemin. Il s’arrêta à une mare où il put boire et se reposer un brin avant de poursuivre ses recherches. Mais il fallait se rendre à l’évidence : même en ce lieu pourtant plus calme, il y avait trop d’odeurs étrangères. Il se gratta. Les quais, peut-être. Une taverne du port. Là, les odeurs lui étaient familières. Peut-être que là-bas il allait pouvoir flairer une piste.
    Ce fut une bonne idée. Tiki retrouva son maître, qui lui prodigua des démonstrations d’affection avant de lui faire servir une platée d’abats. Comblée et repue, la bête se blottit aux pieds du marin qui partageait un dernier souper et de la bière avec des connaissances avant son départ pour Marseille. Tiki se gratta et sentit avec délices la main de son

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