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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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propriétaire lui frotter le dessus de la tête.
    — Ah, cher vieux sac à puces. Mais où étais-tu donc passé ? Je croyais t’avoir perdu.
    Le lendemain, lorsqu’il s’embarqua avec ses compagnons, le marin se gratta à son tour.
    — Tiki m’a refilé ses puces, on dirait, dit-il en riant.
    Cela n’avait rien de surprenant pour quiconque était habitué à la promiscuité, dans ces nefs dont la propreté était très relative.
    Après un lent périple en mer de Crimée, la flotte dont faisait partie le navire de Tiki accosta à Marseille. C’était la Toussaint, soit le premier jour de novembre 1347. Les marins se répandirent à travers la ville pour se dégourdir les jambes et rendre visite à des amis.
    Aucun d’entre eux ne revint sur les quais. Nombreuses furent les nefs qui restèrent au mouillage comme des coquilles creuses. Tiki le chien, laissé à lui-même, hurla à la mort avant de se coucher à son tour.
    La malemort était arrivée.
    Avignon et Arles furent touchées deux mois plus tard. Le 16 février, Narbonne fut atteinte. En mars, ce fut le tour de Carcassonne. La Grande Faucheuse, avec dans les replis de sa robe noire le bacille de la peste, se mit à monter vers le nord à la vitesse d’un cheval au pas.
    *
    Paris, été 1348
    Le gourdin s’abattit sur un gros rat brun dont la patte glabre avait gratté frénétiquement un flanc pelé jusqu’à la dernière seconde. Après quoi le bout du bâton souleva la bête morte et la projeta plus loin comme un palet.
    — Ils sont encore plus dégoûtants ici qu’ailleurs, dit Louis aux gars de la bande.
    Les rats d’égout pullulaient en certains endroits, alors qu’en d’autres on voyait davantage de petits rats noirs qui étaient plus communs. Les garçons avaient passé cette magnifique journée d’été à se chamailler sans malice et à se balader tranquillement. Ils avaient tout leur temps. Au coucher du soleil, ils avaient atteint le quartier Saint-Jacques. Une sorte d’atmosphère de vacances flottait dans l’air. Ou aurait dû y flotter. Quelque chose clochait. Quelque chose d’oppressant. Mais on s’efforçait de ne faire semblant de rien, de se persuader que tout allait bien. Il faisait si beau et c’était l’été. Ils n’avaient pas voulu remarquer cette vieille femme qui, haletant bruyamment, s’était arrêtée un peu plus tôt pour prendre appui contre le mur sclérosé d’une maison. Ils n’avaient pas non plus vu ce jeune portefaix dont le visage était couvert de tavelures rouges, et ils s’étaient efforcés d’oublier au plus tôt le regard fiévreux et désespéré qu’il leur avait lancé. La bande l’avait dépassé et, peu après, ce garçon avait roulé sous son fardeau. Nul ne l’avait entendu tomber.
    Bouclier dérisoire, que cette indifférence factice.
    — Que vas-tu faire, maintenant ? demanda Hugues à Louis.
    — Je n’en sais rien.
    Le travail s’était mis à diminuer graduellement à la boulangerie au cours de l’été, si bien que le jeune artisan pouvait désormais s’offrir une journée de congé en plus du dimanche. Cela n’était jamais arrivé auparavant.
    — Toujours pas de nouvelles de ta famille ?
    — Non.
    — Ça fait quatre jours qu’ils sont partis.
    — Je sais. Il faut que j’aille à leur recherche. Mais je n’ai aucune idée d’où ils ont bien pu aller ni pourquoi.
    — Alors, on y va ensemble.
    — Allez-y sans moi, les gars. Je ne me sens pas bien, dit Samson, qui s’assit sur un muret bas.
    — Ça va pas, compère ? demanda Aubert.
    — Oh si… je suis juste fatigué.
    — Bien. Repose-toi un peu. Tu veux manger ? Le Long nous a fait du pain.
    — À vrai dire, je n’ai pas très faim. Partagez-vous ma part.
    Hugues s’assit à droite de Samson et la Gargouille à sa gauche. Ils entreprirent de grignoter les miches que Louis avait sorties de sa besace.
    — Mais qu’est-ce qui te prend, l’ami ? Tu as laissé ton appétit chez les ribaudes ?
    Louis prit place parmi eux, au pied du muret le long duquel ils avaient tous fini par s’asseoir côte à côte. Hugues dit :
    — C’est vrai qu’il a guère bonne mine, notre Samson, hein ! Ce matin tu étais blême à faire peur. Maintenant tu es rouge comme un coquelicot.
    — Un coquelicot. Ça me rappelle qu’il me faudra aussi passer chez les Bonnefoy, dit Louis d’un ton léger. Samson dit :
    — C’est la faute au soleil, sans doute. Il tape fort. Ça me démange

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