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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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fleur semblaient défier l’avenir avec leur joli tulle rose qu’ils agitaient sous la moindre brise. Églantine s’était installée sur la surface polie du muret afin de peigner ses longs cheveux blonds et d’en accélérer le séchage au soleil. Le matin même, elle avait trouvé un peu de muguet sur le rebord de sa fenêtre. Les fleurettes reposaient à présent sur son giron. De temps à autre, elle caressait tendrement, du bout des doigts, les menues clochettes d’un blanc crémeux. Cinq mois s’étaient écoulés depuis ce soir où Églantine avait trouvé une poignée de châtaignes enveloppées dans un morceau d’étoffe, placée aux creux des racines d’un certain noyer. Depuis lors, pas une semaine n’avait passé sans que l’arbre lui eût dévoilé ce genre de petits cadeaux qui s’étaient ainsi multipliés : trois figues, un peu de ce précieux sucre de canne importé de Chypre, quelques bâtonnets de cannelle… Elle sourit avec attendrissement à l’évocation de ces présents. « Typiques d’un garçon ! Ils ne songent qu’à leur estomac, ceux-là », se dit-elle. Mais elle connaissait déjà suffisamment l’esprit pratique de Louis pour ne pas ignorer qu’il considérait ces cadeaux utiles comme étant beaucoup plus appréciables que des bijoux ou des fleurs. Ses petits bouquets n’en étaient devenus que plus précieux.
    — Tu n’as rien de plus profitable à faire ? maugréa le meunier qui passait par là.
    La jeune fille se contenta de lever vers lui un visage malicieux :
    — Si, Père. J’attends Louis. Je m’en vais au mai avec lui.
    — Ça non, ah, non ! Je te l’interdis.
    — Mais je suis une fille à marier, que je sache. Il y avait une branchette de bourgeons et du muguet à ma fenêtre. Je veux y aller.
    — Tu ne bougeras pas d’ici, petite insensée.
    — Voyons, mon mari, intervint la mère Bonnefoy. Laissons-la donc y aller. L’hiver a été si long. C’est la fête des jouvencelles, après tout.
    — Des jouvencelles ? Parlons-en ! Moi, j’y ai toujours vu davantage de ribaudes, de voleurs et de goliards* ivres ! Une meute déchaînée qui saccage tout !
    — Je ne cours aucun risque, car Louis sera là.
    — Et Louis, bien sûr, est au-dessus de tout soupçon, dit le meunier en bougonnant.
    — Ils s’en vont danser, c’est tout, Thibaut. C’est là un plaisir inoffensif et bien de leur âge, puisque les enfants y trouvent peu de chose à faire et que les femmes mariées n’ont pas la possibilité de bien s’y amuser, à cause des convenances.
    — Si j’y allais avec la servante ? Elle pourra nous chaperonner, proposa soudain Églantine.
    — Excellente idée, dit la mère.
    Le meunier réticent dut battre en retraite, car il ne se sentait pas de taille à affronter deux femmes déterminées. Quant à la grosse Edmonde, la servante, cette tâche imprévue lui plut tant que la jeune fille put bientôt partir en sa compagnie, un panier d’osier se balançant à son bras.
    Un cruchon de bon cidre pour acheter le silence de la domestique et le tour fut joué : Églantine put se perdre « accidentellement » dans la foule des fêtards aussitôt qu’elle eut franchi le pont aux Meuniers tendu de vélum.
    Des jeunes gens s’étaient chargés de planter un petit arbre au beau milieu de la place de Grève où l’avant-veille avait eu lieu une pendaison que Louis avait vaguement vue. La place de Grève servait aussi de lieu d’embauche, et d’aucuns cherchaient à profiter de l’aubaine, car il y avait foule. Les branches bourgeonnantes de l’arbre étaient chargées de fleurs de lys, de rubans et de décorations. Plusieurs danseurs l’encerclaient et chantaient sans même attendre les premiers accords des ménestrels qui s’étaient ménagé une place avec peine. Des porcs entiers rôtissaient sur leur broche. Un ivrogne s’était endormi, appuyé contre un fût de vin. En passant, Louis trébucha dans ses jambes. Le soiffard se retourna en grognant. Louis et Églantine pouffèrent de rire et échangèrent un sourire complice lorsqu’ils avisèrent sur la tête d’un badaud, presque sous le nez de l’adolescent, un chapeau dont la calotte ressemblait à une coquille de noix velue. Louis se mit à souffler dessus doucement. La personne qui le portait n’eut pas conscience des simagrées que faisait la petite plume qui y était accrochée.
    Le jeune couple se lassa vite de la cohue et se mit bientôt en quête

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