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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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peut-être. Mais des commerçants prospères.
    — Nous sommes prospères. Enfin, nous pourrions l’être. Cela dépend essentiellement de vous.
    — Ah ! non. Tu ne vas pas commencer à me rebattre les oreilles avec la très chrétienne tempérance. Je travaille dur et le vin est ma seule distraction.
    — Qui a parlé de tempérance ?
    Louis avisa le tavernier et leva la main.
    — Eh ! un autre.
    Firmin hoqueta et ricana bêtement.
    — Veux-tu bien me dire où tu as eu toute cette monnaie de billon* ?
    — C’est ma paie.
    — Et tu m’en refiles une part au lieu de tout planquer comme ta folle de mère ! Bon Dieu, enfin j’ai la preuve que t’as quand même un peu de jugeote.
    Firmin lui donna quelques tapes amicales sur le bras. Louis se laissa faire et dit méchamment :
    — Vous êtes plein, aucun doute là-dessus. Vous débordez.
    Firmin ne répondit pas. Le vin agissait insidieusement. C’était là ce que Louis voulait.
    Le boulanger se pencha en avant et dit d’un air sentencieux, en pointant son fils du doigt :
    — Bien. Tu peux la foutre tant que tu voudras, ta belle, ça m’est égal. Dans la mesure où je te vois devant le four à l’aube comme d’habitude.
    — N’ayez pas de souci. J’y serai.
    — Ouais. Mais j’ai idée que tu n’y vaudras pas cher. Comme le dit si bien le proverbe : on ne peut être à la fois au four et au moulin.
    Tout ne se déroula pas comme Louis l’avait prévu. Ils rentrèrent aux petites heures de l’aube en titubant tous les deux, chacun de leur côté. Cependant, l’esprit de Firmin était clair. Plus clair même que lorsqu’il était en pleine possession de ses facultés.
    Une fois que tout le monde fut levé et à pied d’œuvre au rez-de-chaussée, le boulanger monta s’isoler dans la chambre conjugale et dit à Louis de l’attendre à la porte. Tout en fouillant rageusement dans l’armoire, il se dit : « J’ai tenu parole. Je n’en ai jamais soufflé mot. "Il" ne voulait pas. Quel gâchis. Salaud ! Tiens, la voilà, ma revanche. »
    Il posa un papier sur le lit et appela :
    — Tu peux entrer. Et ferme la porte.
    Firmin s’assit sur le lit et tira le parchemin à lui. Le sceau brisé qui s’y rattachait encore par un bout de ruban ressemblait à une crotte sèche.
    — Ton passé, ton présent et ton avenir. Tout tient là.
    Il roula le parchemin et le brandit comme un petit bâton.
    — Tu comprends, à l’époque, j’ignorais ce qui allait advenir de toi. Et comme ta mère ne m’avait pas donné d’autre héritier, j’ai agi en conséquence.
    Le sceau, au bout de son ruban, s’agita comme une chose vile.
    — Il ne fallait pas que je te le dise tout de suite. J’avais promis. Mais toi, il faut que tu insistes pour connaître « mes projets », comme tu dis, avec tes grands airs. Tu veux savoir ce qu’est ce papier ? C’est une copie de mon testament. Et, oui, il est question de toi dedans.
    L’adolescent fit un signe de tête affirmatif sans lâcher la poignée de la porte. Firmin offrit à Louis un méchant sourire, mais, comme ce dernier n’avait aucune réaction, il reprit :
    — Il va sans dire que je m’attends à un peu plus de reconnaissance de la part de mon très cher fils.
    Louis haussa les épaules et dit :
    — Vous n’en avez pas besoin.
    — Tu as bien raison. C’est vraiment pas de chance. Voici : à mon décès, inutile de chercher à mettre tes mains de rapace sur mon patrimoine. Je bénéficie d’une rente viagère qui s’éteindra avec moi. Au mieux, tu demeureras un sous-fifre toute ta vie. Au pire, on te flanquera à la porte. Ce n’est pas de mon ressort. Parce que la boulangerie est une censive. En d’autres termes, la maison, la boulangerie et le travail des employés – tout appartient aux moines de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés qui ont si charitablement su prendre soin de ta pauvre mère. Rappelle-toi comme elle les aimait, ces moines.
    Louis accusa le coup en silence.
    — L’Odile ne sait rien de tout ça et toi, tu vas fermer ta gueule. Facile ça, parce que tu es bien trop orgueilleux pour aller lui raconter ta défaite, hein ?
    Firmin le regarda, ses yeux mi-clos voilés par la pénombre de l’aube.
    — Te crois-tu donc si important ? À ta place, j’éviterais d’avoir une aussi haute opinion de moi-même, le Ratier. Écoute : tu n’es qu’une erreur. Enfonce-toi bien ça dans la tête.
    *
    1 er mai 1348
    Les marronniers en

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