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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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d’un lieu plus propice aux tendresses de mai. Ils quittèrent donc la place de Grève et longèrent la Seine. La rive, ce jour-là, était inhabituellement calme. C’était comme une faveur de la Providence, en dépit des bacs de toutes tailles qui étaient de plus en plus nombreux sur les eaux miraculeusement étoilées. Peu à peu, le chant des merles et des rossignols se broda au vacarme de la fête dont ils s’éloignaient. La ville entière paraissait rénovée sous les rayons du soleil. Les ardoises des toits brillaient comme si chacune d’elles avait été polie des heures durant. Sur la berge en friche du fleuve, les ajoncs, les églantiers et les ronces étaient parsemés de sous dorés que l’astre du jour, par distraction, avait laissé tomber de sa bourse. Tout près, un tout jeune lilas arborait fièrement une seule grappe de fleurs. C’était l’Éden au sixième jour.
    Tel un gros bourdon charmeur, Louis tournait autour de son Églantine et se demandait avec délices sur quel pétale il allait pouvoir se poser. Ils bavardaient gaiement, main dans la main, de tous ces petits riens qui faisaient de certains moments des friandises dont on ne se repaissait jamais.
    Églantine ne prêtait guère attention à la direction que prenait leur promenade. Ou, si elle la remarqua, elle ne le manifesta pas.
    *
    Le moindre bruit se trouvait accentué par le silence de la boulangerie désertée. La famille s’était éparpillée en ville pour la fête. Personne n’allait rentrer avant la nuit. Églantine fut intimidée par cette maison austère et se colla davantage contre Louis tandis qu’il lui faisait brièvement visiter les lieux. Ils s’engagèrent dans l’escalier de bois dont les degrés incurvés en leur milieu prouvaient leur usage ancien. Des milliers de passages avaient communiqué au bois une patine crayeuse.
    — La chambre des maîtres, dit-il en montrant une porte close qu’il n’ouvrit pas. Églantine avisa les couches disparates qu’il y avait dans l’autre pièce. Elle demanda :
    — Et toi, où dors-tu ?
    — Là-haut.
    Un délicieux frisson se répandit dans le corps de la fille du meunier tandis que le jeune artisan l’invitait à escalader l’échelle. Il la suivit de près et l’enlaça de dos afin d’ouvrir la trappe à sa place. Elle eut le temps de sentir un objet dur contre ses reins. Elle frissonna davantage.
    — As-tu froid ? lui demanda-t-il doucement.
    — Oui, un peu.
    Ce n’était pas vrai. Il le savait. Mais peu importait. Une fois sous les combles, il contourna Églantine pour prendre son aumusse* dont il l’enveloppa.
    — Merci, dit-elle.
    Dans la vaste pièce au plafond pentu, il y avait une couche et une caisse. Quelques chevilles avaient été fixées au bout desquelles pendaient des vêtements. Un petit brasero, actuellement inutilisé, garantissait un peu de chaleur en hiver. Louis s’était en outre aménagé un coin pour faire sa toilette. Le foin frais qu’il avait étendu sous les combles avait produit une poussière dorée qui allait demeurer encore longtemps en suspension à la lumière blafarde de l’unique petite fenêtre. Églantine dit :
    — C’est dépouillé.
    — Avec la farinière* en plus, ça me suffit. Surtout qu’il y a toi, maintenant.
    Églantine lui sourit et demanda, un peu inquiète :
    — Tu… tu ne l’as jamais fait auparavant, n’est-ce pas ?
    — Non.
    — J’ignore ce qu’il faut faire.
    — Moi, je saurai.
    Elle le regarda longuement, comme pour lire sur son visage l’assurance qu’avait eue sa voix. Elle se douta qu’il devait y avoir beaucoup pensé. Tellement qu’il savait.
    Il s’avança vers elle. Il lui enleva l’aumusse et lui prit doucement les épaules. Églantine baissa la tête. Il revit la lourde natte blonde qu’il lui avait jadis coupée. L’or en fusion de ce souvenir s’échappa entre ses doigts tandis qu’il entreprenait de dénouer ses tresses d’or brûlé. Il recula un peu pour la regarder avec une admiration étonnée. C’était une femme. Une femme que l’on devait cueillir comme une grappe de lilas sensible parmi ses feuilles en forme de cœur. Ils s’enlacèrent. Sans s’en rendre compte, Louis imprima à leur étreinte un mouvement de danse à peine ébauché.
    — Il y a de la musique dans ma tête, dit-il.
    Louis laissa ses doigts rugueux errer sur l’étoffe de la robe légère tandis qu’il baissait la tête pour permettre à leurs regards de parler

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