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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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stagnante, même s’il vous faut marcher une lieue pour trouver un puits d’eau claire. La malemort se développe dans la crasse. Évitez les tas de fumier, les mouches et les viandes mornées*. Ah, et n’allez point à la pêche.
    Les adolescents opinaient à chacune de ces paroles sacrées. Ils s’y accrochaient avec l’énergie du désespoir. De la sauge. C’était donc aussi simple ! Dire qu’un peu de sauge aurait peut-être pu sauver le malheureux Samson. L’infirmier reprit :
    — Méfiez-vous des symptômes. Ils peuvent prendre de un à dix jours avant de se manifester et ne sont pas toujours pareils. Au premier soupçon, filez à l’Hôtel-Dieu. Oui, à l’Hôtel-Dieu. J’ai déjà trop de patients, ici. Et encore, où que vous alliez maintenant, seuls les plus hardis ou les plus saints consentiront à administrer des soins à des pestiférés. Bon. Je disais que, s’il y a un bubon et qu’il éclate, le malade a des chances d’en réchapper. Sinon, c’est la mort assurée en cinq jours, huit tout au plus. Je l’ai constaté. Mais prenez garde. On en a vu certains mourir au bout de quelques heures à peine, comme ce fut, hélas, le cas pour votre malheureux ami : la peste peut corrompre les voies respiratoires et, en pareils cas, la fin est foudroyante. Ils se mettent à cracher comme lui une abondance de pus et de sang jusqu’au trépas.
    En voyant les jeunes voyous blêmir et frissonner d’appréhension, l’infirmier se détourna d’eux avec la satisfaction du devoir accompli. Ébranlés comme ils l’étaient, nul doute qu’ils allaient tenir compte de toutes ses mises en garde.
    — Voyons, mon cher frère, il est inutile d’alerter davantage ces jeunes gens éprouvés qui, à mon humble avis, sont déjà inquiets en suffisance, dit l’un des moines.
    — Le Seigneur, dans Son infinie sagesse, sait qu’il faut laisser la nature faire son œuvre, dit un autre moine, un costaud qui n’avait pas l’air à sa place dans un monastère. Les forts survivent.
    — Le frère Pierre a raison, dit le premier moine. Venir au monde sans déficience héréditaire ou congénitale est déjà en soi une chance considérable.
    — Vivre en est une bien plus grande encore, dit l’infirmier. Le petit enfant est confronté à la variole, puis, adolescent, à la fièvre typhoïde ou aux écrouelles*. Et n’oublions pas la méningite, la rougeole, la rubéole, la coqueluche, les oreillons, la scarlatine, la varicelle et la diphtérie…
    — Putain ! Oh… pardon, dit Hugues, confus.
    — Atteindre l’âge adulte est par conséquent une preuve de bonne résistance aux maladies, dit le frère Pierre comme si de rien n’était.
    — Oui, peut-être, mais, bon, tout danger n’est pas écarté pour autant. N’oublions pas le tétanos, le feu de saint Antoine, la rage, les infections de plaies, les abcès, le typhus ou même une simple grippe…
    — Vous aimez bien les calamités, vous, on dirait, dit Louis.
    — Non, je n’aime pas ça du tout. Seulement, il faut connaître ces choses. Surtout dans mon métier. Je disais donc que contre la peste nous recommandons, voyons voir… je récite cela par cœur, n’est-ce pas… certaines semences potagères telles que la citrouille, le concombre, l’endive ou la laitue. Le pourpier est excellent aussi, tout comme le sont les éléments parfumés : rose ou santal. Et l’aloès. N’oublions pas l’aloès. On doit y ajouter de la cassiafistule*, un peu de sucre d’orange et de la pomme maciaine avec des grenades aigres. En prévention, prenez des gargarismes à base de lavande.
    — Bien entendu. Nous trouverons tout cela chez nous, dit Louis.
    — Qu’est-ce que c’est, le santal ? demanda Aubert.
    — Je n’en sais rien et cela m’est égal. Avec quel argent pourrons-nous acheter tout ça chez l’apothicaire, hein ?
    — Y a qu’à le piquer, dit Hugues.
    — Chut !
    Mais l’infirmier, tout absorbé par l’élaboration de ses mystérieuses et coûteuses concoctions, n’entendit rien.
    On finit par autoriser les jeunes gens à quitter l’enceinte de l’abbaye. Alors que les autres étaient déjà sortis, Louis fut intercepté à la grille par frère Pierre, qui lui remit une troisième bouteille.
    — Le père abbé te fait remettre ceci. C’est de l’eau camphrée. Verses-en sur un mouchoir et noue-le autour de ta tête lorsque tu circules en ville. Il m’a en outre chargé de te dire de bien veiller à sortir

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