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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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eut un mouvement de recul. Incrédule, il regarda ses doigts : ils étaient couverts de sang.
    — Sapristi, le Long, tu as dû lui accrocher sa piqûre.
    — Mais non, sombre crétin. Ça ne saignerait jamais autant. Samson se tordit de douleur. Un peu de sang affleura à ses lèvres.
    — On fait quoi, là, merde ?
    La tumeur avait viré au noir et était maintenant de la taille d’un œuf de poule. À gauche, la chair luisante se tendait et se mettait à enfler presque à vue d’œil. Les adolescents s’entre-regardèrent, tâchant de se convaincre mutuellement que c’était autre chose. Sans-Croc se mordait les doigts de ses gencives édentées. Les lèvres de Samson étaient scellées. Il savait que, s’il ouvrait la bouche, ce serait pour admettre ce qu’il craignait le plus, ce qu’il voulait à tout prix éviter de confirmer, de rendre réel.
    — Tiens-le bien, Gargouille, dit Hugues d’une voix qu’il voulait assurée. Le Long…
    — Oui, dit Louis.
    — Regarde.
    La tumeur était devenue spongieuse et commençait à exsuder du pus.
    — Que fait-on ? demanda-t-il encore.
    — Ça va bien finir par crever ! Mais il serait plus promptement soulagé de tout ce pus si l’on essayait d’ouvrir cette grosseur…
    — Non ! hurla Samson, les yeux exorbités.
    — Bonne idée. J’ai ce petit couteau. Tu crois qu’on devrait…
    — Non ! Ne me touchez plus. De grâce. Allez-vous-en.
    — Voyons, tu déraisonnes, Samson. On va tout de même pas te laisser ici.
    — C’est la morille*. Partez, je vous dis ! Éloignez-vous. L’aveu était tombé, fatal, irrémédiable.
    Le nain sanglota. Résigné, exténué, il avait cessé de se débattre. Il dit :
    — Je ne voulais pas y croire. Mais j’ai aussi deux pommes dures sous les aisselles. Ne restez pas ici.
    — L’abbaye. Les moines sauront quoi faire, dit Louis.
    Les garçons parvinrent à improviser une civière avec leurs chemises nouées ensemble. Ils y roulèrent le petit corps flasque de leur ami. Samson n’eut aucune réaction.
    Lorsqu’ils franchirent la grille des Bénédictins, Samson étouffait. Du sang noir lui sourdait du nez et de la bouche.
    — Par ici, vite, dit l’infirmier. Il lui faut une saignée pour le débarrasser du sang impur. Nous allons ensuite mûrir les apostèmes avec des oignons cuits pilés, mélangés à du levain et du beurre. Et, une fois qu’on les aura ouverts, ils pourront être traités comme des ulcères.
    Hurlant, Samson se jeta en bas de la civière et se mit à courir en tous sens.
    — Il a perdu l’esprit, dit Hugues.
    L’infirmier n’arriva pas à le rattraper. Samson se projeta contre un timon de charrette et s’y ouvrit le crâne. Il tomba sans bruit entre les brancards osseux qui pointaient vers le ciel.
    *
    — Il était trop tard, mes amis. J’en suis profondément navré, dit l’infirmier aux garçons.
    Encore en état de choc, ils avaient été isolés dans une chambrette de l’aile dévolue aux soins des hommes. Trois autres moines étaient avec eux pour venir en aide au vieillard si le besoin s’en faisait sentir, et l’abbé avait été prévenu de la présence parmi eux du fils Ruest. C’était sans doute la raison pour laquelle on leur portait rapidement assistance en entourant leur personne de maintes précautions. Le vieux moine dit encore :
    — Votre ami sera porté en terre par les fossoyeurs de la ville et nous prierons pour le salut de son âme. Maintenant, il importe d’abord et avant tout de veiller sur votre salut à vous. Ne touchez plus jamais à un pestiféré.
    — Mais nous ne savions pas… commença Hugues.
    D’un seul coup d’œil, Louis lui intima l’ordre de se taire.
    — Tenez. Lorsque vous rentrerez, lavez-vous avec grand soin à l’aide de ceci. C’est du vinaigre à la sauge. Après quoi vous brûlerez vos hardes. Je vous donne également cette autre bouteille. Elle contient du vin à la sauge. Usez-en sagement. Pas plus de deux fois le jour. Deux, c’est bien compris ? Salvia salviatrix, l’herbe qui sauve. Il n’y a rien de tel. Nous avons de l’onguent aussi. Sauge, romarin et thym. La sauge apaise toux et maux d’estomac, mais elle éloigne aussi de façon très efficace les vapeurs de pestilence. Soyez vigilants et propres de votre personne et de votre entourage. Lavez soigneusement les seaux d’aisance. L’hygiène, voilà la clef. De l’eau propre et fraîche. N’en utilisez jamais de sale ou

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