Le jeu de dupes

leur raconta le drame auquel avait assisté Malo.
    – Mataron a un nino, Dios mio 1 , fit Javier en se signant. Certains hommes ne reculent devant rien.
    – L'enjeu doit être de taille, renchérit Belfond.
    – La piste de Crochu étant perdue, il ne reste qu'une solution : les lettres. Elles contiennent la clé de tout cela sinon pourquoi voudrait-on s'en emparer ? Où en êtes-vous avec leur déchiffrage ? demanda François plein d'espoir.
    – J'ai terminé, répondit le professeur. Il ne nous reste que deux noms sur notre liste : Jean-François Paul de Gondi et le prince de Condé.
    – Le coadjuteur et le Grand Condé… Violette n'avait décidément pas peur de s'attaquer à forte partie. L'un des deux a forcément un lien avec notre affaire, la question est de savoir lequel.
    – François, vous ne devez plus perdre d'énergie à suivre des chimères, intervint Javier. Je crois connaître une personne qui pourra vous faire gagner du temps pour Paul de Gondi.
    – Qui est-ce ?
    – Une amie de Violette qu'elle m'avait présentée, une rivale aussi. Elles se mettaient souvent en compétition. C'est une étrangère, elle se faitappeler Mizgin de Perse et serait de sang royal, enfin c'est du moins ce qu'elle prétend. Je sais qu'elle a été la maîtresse du coadjuteur et sa confidente à une époque. Grâce à elle, vous pourriez obtenir de précieuses informations et voir si des indices vous laissent à penser que Gondi est votre suspect… Mais je vous préviens : ce n'est pas le genre de créature à le faire sans contrepartie. C'est une femme étrange, difficile à décrire, criatura sulfurosa 2 … vous verrez par vous-même.
    – S'il faut payer, je réglerai ce qu'elle veut, tout plutôt que de rester dans l'impasse.
    – Dans ce cas, je vais lui rendre visite et demander une entrevue de votre part. Je vous enverrai un mot avec son adresse et le moment convenu. Je suis désolé de ne pouvoir faire plus… Savez-vous quand Arnaud sera de retour ? Je venais le saluer. Je regagne l'Espagne ayant réglé au mieux mes affaires familiales. Ma situation ici devient trop périlleuse, mon père craint pour ma sécurité et m'a intimé l'ordre de regagner sans délais nos terres de Tolède.
    François s'en voulut de ne pas avoir réalisé que Javier courait un réel danger en ces temps de conflit avec l'Espagne et qu'il avait prolongé son séjour uniquement dans le but de l'aider avec l'espoir de retrouver le meurtrier de celle qu'il avait aimé.
    – Vous avez déjà beaucoup fait et je vous en remercie. Je vous promets de châtier l'assassin de Violette. Finissez vos préparatifs, j'enverrai Arnaud vous faire ses adieux à son retour.
    – J'espère apprendre prochainement que vous avez retrouvé votre épouse… Buena suerte 3  !
    Les deux hommes se serrèrent la main puis Javier salua Belfond et s'en fut prendre congé de Louise.
    – À nous deux, professeur, quels sombres secrets sur Gondi renferment ces lettres qui pourraient nous faire envisager qu'il soit mêlé à notre affaire ?
    – Pour ce que j'en ai compris, c'est un duel qui a eu lieu l'année dernière. Le coadjuteur aurait apparemment tué son adversaire dans des circonstances scandaleuses qui, si elles étaient révélées, l'empêcheraient de décrocher le cardinalat.
    – Et il serait prêt à devenir un meurtrier pour cela ?
    – Il est capable d'attiser la révolte du peuple dans cet objectif alors l'assassinat d'une courtisane… De plus, il est très lié aux Rohan et tout particulièrement à votre ennemie la duchesse de Chevreuse.
    – Vous croyez qu'il détiendrait Nolwenn pour se venger ? En toute hypothèse, si c'est le cas elle est certainement vivante. Je vais rencontrer la personne dont nous a parlé Javier pour vérifier si elle a quelque chose d'intéressant à raconter puis j'irai trouver Gondi.
    – Encore faudrait-il savoir où il est… Pendant votre absence, l'union des princes frondeurs a volé en éclats. Comme vous le savez, Mademoiselle de Chevreuse, la maîtresse de Gondi, devait faire unbeau mariage en épousant Conti, le frère de Condé qui le lui a interdit. Gondi a fort mal pris qu'on traite ainsi sa protégée ce qui est pour lui un affront personnel et surtout l'occasion ratée de raffermir sa position pour acquérir son chapeau de cardinal. Depuis la mi-avril, nul ne l'a revu.
    – Je saurai le débusquer, ne vous tourmentez pas, et je le confronterai aux accusations de ces courriers. Je n'ai