Le jeu de dupes
bonne constitution et récupère rapidement, cela n'est pas le problème.
– Quel est-il dans ce cas ?
– Depuis que nous l'avons retrouvé il ne parle pas et paraît complètement abattu. Nous n'avons rien pu en tirer. Louise s'en occupe et le materne comme un oisillon tombé du nid mais impossible d'obtenir une explication. Le médecin affirme qu'il a reçu un choc et que dès qu'il mettra des mots sur ce qu'il a vécu il en sera libéré.
François, un peu soulagé, put enfin faire honneur au déjeuner. Arnaud le laissa se restaurer avant de demander :
– Ton entretien avec le cardinal a-t-il été fructueux ?
– Il n'est pour rien dans l'enlèvement de Nolwenn, les soupçons de la lettre décodée sont infondés : c'est une fausse piste. Une de plus, conclut-il avec amertume.
– Allons François, ne perds pas espoir. Nous finirons par trouver la bonne.
Le gentilhomme repoussa les reliefs de son repas en haussant les épaules.
– As-tu une réponse de Mazarin pour notre reine ? demanda Arnaud.
– Regarde dans la doublure de ma ceinture. Un courrier plus détaillé arrivera plus tard. Le cardinal souhaitait que je reparte rapidement, certainement pour que j'entraîne sur mes talons les espions qui le surveillent afin que la voie soit dégagée pour le prochain messager.
– Sois-en convaincu. Tu as réussi une mission essentielle. D'après ce que j'en sais c'était des mercenaires du clan Condé. Avec l'entrée de Chavigny au conseil et la nomination de Mathieu Molé à la chancellerie, deux de sa clientèle, le prince veut à tout prix empêcher notre illustre exilé d'avoir une quelconque influence sur la régente, persuadé de pouvoir prendre l'emprise sur elle.
– C'est le cas ? s'enquit François en s'extrayant de la cuve.
– Dieu merci non. Anne d'Autriche se révèle une femme avisée et laisse croire aux grands ce qu'ils veulent. Si elle peut satisfaire Condé qui a soufflé ces noms sans même en aviser Gaston d'Orléans et qui se délecte du camouflet ainsi infligé à Monsieur et de son courroux, elle le fait sans étatd'âme. Cela ne l'empêche nullement de décider in fine avec pour seule préoccupation l'avènement de son fils. Elle leur laisse leur combat d'ego… Figure-toi que Molé voulait être à la fois garde des Sceaux et premier président ce qui est impossible et c'est Pierre Séguier qui a récupéré la fonction. Un vrai jeu de chaises musicales… Tu connais l'adage : diviser pour mieux régner ; eh bien je puis t'assurer que ces messieurs ont sous-estimé l'habilité de notre suzeraine en la matière. Quoi qu'il en soit, elle sera heureuse d'avoir des nouvelles de celui qui reste son ministre de cœur. Je vais immédiatement au Palais-Royal remettre cette lettre en mains propres. Repose-toi.
Arnaud les quitta et partit rassurer la reine. Un silence pesant suivit son départ. Le professeur rougissait de confusion sous l'œil scrutateur de François.
– Je suis désolé de ce qui est arrivé à Malo. Vous l'aviez laissé sous ma garde et j'ai failli à la tâche…
– Ne battez pas votre coulpe inutilement. Racontez-moi plutôt les événements en détail.
Le ton froid blessa son interlocuteur mais il savait le mériter.
– Malo était à l'étude quand il a couru rejoindre une personne qui lui faisait signe de la ruelle. On l'a retrouvé le lendemain dans un état pitoyable et depuis il est complètement éteint.
François, après s'être enveloppé dans un grand drap, partit se réchauffer près de l'âtre.
– Franchement, si c'est une bluette qui a mal tourné, cela lui servira de leçon. J'ai autre chose à faire qu'à consoler un gamin d'une peine de cœur.
– Je crains qu'il y ait plus que cela. Lorsque votre sœur l'a soigné les seuls mots qu'il a prononcés étaient en rapport avec Nolwenn.
François se retourna brutalement.
– Comment cela ?
Belfond, de plus en plus embarrassé, baissa les yeux.
– Malo ne cessait de répéter qu'il avait causé sa perte.
– Nom de nom ! jura François en s'habillant prestement avec les vêtements apportés par Gervais.
Plantant sans vergogne le professeur, il monta les escaliers menant aux chambres quatre à quatre pour faire irruption dans la pièce où Louise exhortait l'adolescent allongé sur son lit à avaler une cuillerée de soupe. À la vue de François, tous deux sursautèrent.
– Louise, je vous prie de vous retirer, nous avons à parler.
Aux intonations cassantes de son frère,
Weitere Kostenlose Bücher