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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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plus de soixante ans), et
il essayait de concilier sa vocation de moine avec la lourde charge d’évêque de
Tours à laquelle la population l’avait appelé.
    À ces noms, il faut ajouter ceux des grands Pères grecs, moins
connus chez nous, mais tout aussi importants dans l’histoire de la chrétienté –
saint Basile de Césarée, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, saint
Jean Chrysostome –, pour avoir une idée de l’incroyable vitalité de la culture
chrétienne de l’époque. Certes, elle était conflictuelle, déchirée par les
querelles théologiques, fourmillante de mouvements hérétiques opposés les uns
aux autres, mais dans l’ensemble c’était une culture qui donnait de plus en
plus le ton à tout l’empire. De fait, en 380, avec l’édit de Thessalonique, l’empereur
Théodose finit par édicter une loi aux termes de laquelle le christianisme
catholique, tel qu’il avait été fixé en 325 au concile de Nicée, devient l’unique
religion obligatoire pour tous les sujets de l’empire – ce qui marque un
changement radical d’orientation par rapport à la tolérance instituée par l’édit
de Constantin. Deux ans à peine ont passé depuis la bataille d’Andrinople, et
ce tournant répressif du gouvernement impérial peut être compté, en un certain
sens, parmi les conséquences de ce désastre.

II
L’EMPIRE ET LES BARBARES

1.
    Au IV e  siècle, donc, l’Empire romain n’était
pas un empire en déclin ; la preuve en est que les barbares désiraient s’y
établir. L’une des dynamiques cruciales, dans l’histoire de l’Antiquité tardive,
est précisément celle des mouvements de population, que les Italiens, mais
aussi les Français, et plus généralement tous les peuples de langue néolatine, appellent
les « invasions barbares ». Les historiens allemands, qui tendent à
voir les choses en adoptant le point de vue des nouveaux venus plutôt que celui
des populations locales, préfèrent parler de « migrations des peuples », Völkerwanderungen. Et il faut admettre que, sur la foi de ce que nous en
savons aujourd’hui, cette terminologie est plus correcte : la rencontre
entre l’empire et les barbares avait commencé depuis longtemps, d’abord sous le
signe de l’immigration, avant de prendre un pli beaucoup plus dramatique et
violent à partir de la bataille d’Andrinople. Aussi devons-nous en premier lieu
nous demander : quand les Romains regardaient vers l’extérieur, au-delà
des camps fortifiés qui surveillaient les frontières, que voyaient-ils ? Que
savaient-ils de ce monde qui s’étendait là-bas, et dont officiellement les
empereurs ne reconnaissaient pas même l’existence, puisque, selon leur
propagande, ils se considéraient comme les maîtres du monde ?
    En réalité, on savait fort bien que, par-delà les frontières,
il y avait d’autres peuples et d’autres pays. Dans un seul cas il s’agissait d’un
empire rival, lui aussi très grand et puissant, civilisé, en partie hellénisé :
c’était l’empire perse, que nous appelons également l’empire sassanide, d’après
le nom de la dynastie qui le gouvernait à l’époque. Les Perses ne désiraient
pas entrer sur le sol romain pour s’y établir ; ils voulaient tout au plus
conquérir les riches provinces orientales de l’empire. Il ne s’agit pas ici d’un
conflit entre la civilisation et les barbares, mais entre deux civilisations, qui
se haïssent et se combattent pendant des siècles. Elles sont séparées par les
deux grands fleuves de la Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate ; tantôt les
Romains gagnent du terrain et s’installent sur l’autre rive du Tigre ; tantôt
ce sont les Perses qui s’avancent jusqu’à Antioche, c’est-à-dire jusqu’à la
Méditerranée. Il est important de garder cela en mémoire, car nous reparlerons
de ce puissant ennemi aux aguets en Orient, quand nous nous occuperons en
détail de la bataille d’Andrinople.
    Ailleurs, les frontières de l’empire ne sont pas menacées
par d’aussi redoutables ennemis. Sur tout le versant méridional, le long des
frontières arabe et africaine, ce ne sont pas des fleuves qui protègent l’empire,
mais le désert ; les populations locales sont nomades, et il serait
difficile de les maintenir à l’extérieur – si tant est que les Romains aient
essayé de le faire. Nous devons en effet résister à la tentation de considérer
les frontières de l’empire comme une

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