Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
plaisir de cet entretien, mais privé d’en jouir en raison des circonstances, Ogier ne put qu’ajouter :
    — Il me faut tenter de vous délivrer.
    — Mon cher et pauvre nieps [160]  !… Le fait de refuser d’acquitter notre rançon nous a mis, Barbeyrac et moi, en péril de mort… Tout en nous exécrant les Goddons nous admirent.
    — Défiez-vous de cette admiration !
    Entre eux point d’émotion apparente. Les sentiments serrés, profonds, qui les avaient réunis, loin d’avoir cessé d’exister, semblaient ici des simagrées. Ogier battait des paupières non point pour retenir ou effacer des larmes, mais pour essayer de voir mieux cet homme encapuchonné d’ombre.
    Les cheveux clairsemés blanchoyaient. Sous les épais sourcils froncés, Guillaume dardait sur ce neveu qu’il avait cru à jamais disparu des yeux clignotants et humides. D’une main lasse, il gratta sa barbe et sa moustache.
    — Même pas debout, regretta-t-il, pour te saluer et t’étreindre comme il sied !
    Ogier posa sa dextre sur cette vieille main osseuse, cordée de grosses veines, qui venait de s’agriffer à la terre. Une pauvre chaleur lui pénétra la paume.
    — Tiens, dit en souriant Guillaume, la salaude nous trahit !
    L’étoupe qui voilait la face de la lune venait de se dissiper.
    — Ne craignez rien ! Shirton nous préviendrait s’il y avait danger. Combien de gardiens avez-vous ?
    — Deux jusqu’au matin.
    — Comment êtes-vous liés ?
    — Par les chevilles. Des grésillons épais [161] . Des ceps également. Pour les rompre il faudrait une grosse lime sourde.
    — Shirton la trouvera.
    Guillaume remua et se gratta la poitrine.
    — Les poux, expliqua-t-il. Pourquoi es-tu sur la Grande Île ? Que t’est-il advenu ?
    — Une folie du roi Philippe… La présomption, toujours… Ils m’ont pris. Je me suis évadé.
    À quoi bon raconter l’affaire de Sangatte.
    — Prends garde, grommela Guillaume. Défie-toi de la fureur de ceux dont tu étais l’otage… s’ils te retrouvent. Tiens : les brogues [162] que je porte appartenaient à un Escot… Un baron… Mac Faden… Il s’était évadé. Ils l’ont repris et tourmenté jusqu’à la mort… Nous nous sommes partagé ses dépouilles.
    Puis, avec une acerbité, une rage que rien, jamais, ne guérirait :
    — J’ai tout appris de nos malheurs, mon neveu. Nos geôliers sont trop contents de nous annoncer toutes les déconfitures du royaume. J’ai su Crécy et la Roche-Derrien… Je sais que Charles de Blois est à la Tour de Londres. J’ai appris les hideurs du siège de Calais… Je ne supposais pas que tu étais leur victime.
    — J’étais à Crécy, mon oncle…
    — Tu es sain et sauf… Dieu soit loué ! Je me disais parfois : «  Où est-il ? Que fait-il ? » Je me doutais que tu guerroyais. Je te voyais taillant, estoquant du Goddon avec l’aisance que je t’ai enseignée. Sois-en sûr comme moi, mon garçon : un jour, nous finirons par vaincre ces maudits !
    Ogier remarqua combien, chez ce seigneur têtu, intransigeant, et qui méprisait sa déchéance, l’orgueil était demeuré l’allié indispensable, presque la qualité du caractère. Cette hautaineté avait préservé sa santé. Il retrouvait avec plaisir sinon avec joie, et l’homme et le tempérament. Guillaume avait maigri, son teint s’était sûrement affadi, mais ce que ses muscles avaient perdu en épaisseur, ils l’avaient compensé en agilité.
    — Vous semblez toujours aussi solide, aussi voulenturieux.
    — C’est ce qui les met en rage.
    — Ne pouviez-vous payer votre rançon ?
    — J’ai toujours été sans grosse fortune… Fournir quoi que ce soit aux Anglais, c’est prolonger cette mauvaise guerre. Tous ceux qui furent pris à Auberoche ont payé, sauf Barbeyrac et moi… Notre refus nous a réduits à l’état où tu me vois… Si nous avions pu nous évader, nous l’eussions fait… D’autres ont essayé. Ils sont morts dévorés par les chiens qu’ils dressent à assaillir des chevaux, des taureaux… Ce sont des gens immondes… Il paraît que demain, de pareils déduits auront lieu dans la lice…
    — Il faut que je vous sorte de là, mon oncle !… Que je trouve quelqu’un dont l’aide nous serait aussi précieuse que celle de Shirton.
    — Sais-tu qui ?… Quelle idée as-tu en tête ?
    « Il faut tout de même que je le lui dise ! »
    Le façon la meilleure était la plus

Weitere Kostenlose Bücher