Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
directe :
    — Tancrède est passée aux Anglais… Nous n’avons pas fui de Rechignac ensemble. Elle en est partie avec Jean du Taillis.
    Guillaume tressaillit – mais à peine. Ogier sentit que sa colère envers sa fille s’était, au fil des ans, durcie et condensée. Jamais sans doute, quelque persuasif qu’il se montrât, il ne parviendrait à briser cette écorce compacte sous laquelle battait un cœur blessé.
    — C’est terrible qu’elle soit devenue ce qu’elle est !… As-tu ouï, Barbeyrac, ce que dit mon neveu ?
    La portière frémit et retomba. Un «  oui » exprimant plus de lassitude que de dépit parvint à l’oreille d’Ogier. Il dit et pour son oncle et pour son compagnon :
    — Elle admirait Jeanne de Montfort et Jeanne de Clisson. Elle a porté l’armure de fer comme elles quand Knolles assaillit Rechignac. Elle voulait les rejoindre et s’est fourvoyée.
    — Tu l’as vue ?
    C’était moins une question qu’un reproche en suspens.
    — Sur la nef qui m’amenait en Angleterre. Nous nous sommes à peine parlé. Je vous adjure de me croire !
    — Soit, puisque tu m’en pries : je te crois.
    — Elle est venue certainement à Ashby, puisque la bannière de…
    — … son amant…
    Encore une question informulée.
    — Lionel de Dartford… Mon bon oncle, cessez donc de ruer ainsi !… Il se peut que ce chevalier n’ait emmené que son épouse, mais si Tancrède est présente elle aussi, elle nous aidera.
    — Comment as-tu osé croire que j’accepterais ?
    Le malaise qui poignait Guillaume avait fait place à une fureur tout aussi évidente, dans les lueurs de ses yeux, que dans l’espèce de sanglot qui avait accompagné sa réplique. Bien qu’il fut désaffectionné de Tancrède, il souffrait de ce qu’elle était devenue. Il ne semblait pas qu’il eût pressenti et même deviné qu’elle était le fruit d’un adultère entre sa femme et son sénéchal, mais l’eût-il appris maintenant que son affliction et son humiliation eussent été moindres que de la savoir liée aux Anglais.
    — Si je m’attendais ! soupira-t-il. Je l’avais maudite et chassée de ma mémoire… J’avais donc raison.
    Était-il vraiment parvenu à exclure de ses pensées cette jouvencelle qu’il avait admirée avec un orgueil qui rejetait dans l’ombre sa douce, docile et authentique fille : Claresme ? Elle devait vivre benoîtement à Tolède auprès de son époux, Pedro del Valle. Mais à quoi bon parler de cette enfant lointaine. Le temps pressait.
    — Tiens, dit Guillaume, le flambeau, là-bas, s’est éteint… Défions-nous des gardes… Ces enfants de putains supportent bien les buveries…
    Puis, songeur, après cette diversion :
    — Dire que j’ai appris des événements importants et qui touchent à l’histoire du monde et que j’ignorais que ma puînée me trahissait… Prends ma main. Je sens mon sang s’y glacer.
    C’était vrai. Ogier conserva cette main fraîche, rugueuse, dans la sienne. Saisi d’un étonnement où le respect et la compassion se mêlaient, il regardait ce profil dégagé de l’obscurité sur lequel, arrêtée par l’aile du nez, brillait une petite larme. Ses yeux tombèrent ensuite sur cette dextre qui avait su et savait encore, sans doute, serrer une épée, une lance, une plommée.
    — Tout n’est que trahison, dit-il lugubrement. Godefroy d’Harcourt a trahi le roi Philippe au profit d’Édouard et l’a conduit jusqu’à Crécy ; puis il est revenu au service du roi de France, qui lui a pardonné, et qu’il trahira de nouveau, je le sens…
    — Qu’as-tu fait, mon neveu, pour devenir leur otage ?
    — Nous sommes partis pour bouter les Goddons hors de cette cité qu’ils ont bâtie autour de Calais. Ville-Neuve-la-Hardie est son nom. J’ai assailli et conquis la tour de Sangatte avec les hommes du Tournaisis. J’ai été attaqué par Renaud de Cobham. Il était fervêtu, moi pas… Je dois de vivre encore à Gauthier de Masny… Il m’a fait soigner, il m’a protégé… C’est de lui que j’étais l’otage.
    — Tu as trahi ta parole.
    — Non… Chez lui, à Londres, je l’aurais tenue. Mais il n’y était pas.
    À quoi bon tout raconter. Ogier sentit la main de son oncle s’éloigner de la sienne. À qui pensait-il maintenant ? La sérénité de son visage était quasiment celle d’un trépassé.
    — J’étais prisonnier du baron de Winslow… Je me suis évadé de son châtelet car

Weitere Kostenlose Bücher